(Voir également à patrimoine naturel, les sources)
Depuis les temps les plus lointains, les fontaines et les sources, très abondantes dans notre région, souvent attachée à un saint patron avaient une fonction thérapeutique. Très imprégnés par l’Ancien testament où l’eau lustrale qui lave aussi bien l’âme que le corps était présente dans notre région, les paysans leur accordaient un pouvoir de guérison grâce à des saints intercesseurs ou à Marie. Dans les Pyrénées centrales, c’est surtout Marie qui était invoquée et responsable des nombreuses guérisons, jugées comme miraculeuses. Ainsi, un véritable réseau thérapeutique maillait nos montagnes et il n’était pas rare que les malades aillent de sanctuaire en sanctuaire se laver et prier. Au-dessus de ces fontaines se dressait très souvent une statue de la Vierge ou du saint intercesseur. Nous avions ainsi Garaison, Nouillan, N-D de Héas, N-D de Piétat, N-D de Médous, Sarrance, Bétharram… On peut ajouter que ces lieux étaient parfois considérés comme de lieux de débauches : « Du mélange des sains et des malades, retranchons les amateurs de volupté, les partisans du jeu, les amants déguisés, l’éclat de la saison s’envole. J’ose le dire, le goût pour le plaisir, la liberté sont l’attrait dominant des bains pour l’étranger » ! écrivait alors le docteur Labbat en 1750, sur les thermes de Bagnères-de-Bigorre.
Les guérisons
La plupart de ces fontaines et sources étaient censées guérir des maladies de la peau, des problèmes oculaires et des rhumatismes, et surtout des maladies d’enfants (mal des roussis).
Certaines sources étaient « empregnadères », dernier recours pour les femmes « brehaignes », c’est-à-dire stériles.
Il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle et les progrès de la médecine thermale pour avoir une approche plus rationnelle sur les vertus curatives de certaines eaux. De nombreuses eaux de ces sanctuaires furent rejetées comme inaptes à la moindre guérison, mais certaines comme la source de Saint Christau dans la vallée d’Aspe, allaient s’ajouter aux sources et thermes déclarés bienfaitrices scientifiquement.
Début du thermalisme scientifique
Certaines sources étaient vraiment renommées de par les résultats réguliers et positifs sur une clientèle étrangère qui en firent leur renommée et attirèrent nombre de scientifiques. Parmi nos illustres visiteurs nous avons Rabelais, Montaigne, Marguerite de Navarre, le duc du Maine… Aussi fut créée en 1730, l’école de médecine thermale pyrénéenne avec les docteurs Labbat, Bergerot et Bordeu. Th Bordeu fut le premier à faire une analyse chimique des eaux et à multiplier les publications scientifiques. Les autorités locales et l’armée avec les eaux d’arquebusade de Barèges virent rapidement les bénéfices qu’ils pouvaient en tirer. La pureté de l’air de la haute montagne fut un élément positif supplémentaire. En 1742, un médecin anglais vantait les cures opérées dans l’air de Barèges. En 1753, le marquis de Paulmy envisageait d’établir « un hôpital entrepôt » à Lourdes pour mieux préparer les soldats malades se dirigeant sur Barèges. En 1810, le préfet des Hautes-Pyrénées opposait l’état lamentable des montagnards des vallées goitreux, « crétins » à la vigueur des « vrais montagnards »
Les routes et les premiers hôpitaux furent aménagés par l’armée. L’arrivée du romantisme avec l’approche bienveillante des montagnes permirent un développement rapide du thermalisme pyrénéen. Développement accéléré vers 1830, par l’arrivée du climatisme véhiculé par de nombreux anglais, alors installés à Pau. Alexander Taylor évoquait dans chacun de ses ouvrages, l’influence curative du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies. Th Bordeu développa le concept de la thérapie montagnarde en faisant de celle-ci un « paysage thérapeutique » grâce à ses eaux, son air, ses paysages, sa gastronomie, son environnement humain...
Le XXe siècle deviendra celui de la cure thermale de bien être, très développée de nos jours.
Abordons par ordre alphabétique, les principales stations du Pays des vallées des Gaves :
- 1) Argeles-Gazost
- 2) Barèges
- 3) Beaucens
- 4) Cauterets
- 5) Saint-Sauveur
1) Station thermale d'Argelès-Gazost
Historique
La petite ville d’Argelès-en-Bigorre avait l’habitude de recevoir vers 1850, grâce à son cadre bucolique au pied des Pyrénées alors à la mode et ses prix abordables, nombre de riches Anglais installés à Pau. En 1860, Sir Charles Packe, vétéran de l’Alpine club de Londres y installa sa résidence secondaire d’hiver. L’engouement des britanniques pour la petite cité s’accéléra. L’Hôtel de France ne désemplissait pas. Le télégraphe fut installé en 1859, et la gare des chemins de fer de la Compagnie du Midi, édifiée en 1868 reçut son premier train venant de Lourdes en 1871. C’est alors qu’un avocat local, originaire de Paris, Hector Sassère, le très entreprenant président de la Société thermale des Pyrénées, conscient du charme de sa vallée, fit parvenir dans la partie basse d’Argelès les eaux sulfureuses de la source voisine (hount Pudio-fontaine puante). Située à Gazost, après son achat en 1882-84, et grâce à un aqueduc de 21,421 km et partant de 877, 52 m pour arriver à 453,13 m, à Argelès qui prit le nom par la suite en décembre 1896, d'Argelès-Gazost. La canalisation fut réalisée en tubes en fonte moulé de diamètre intérieur de 80 m, avec un point bas à Lugagnan et une remontée entre Lugagnan et 50 m au-dessus d'Argelès. On peut voir cette canalisation dans le franchissement des ponts au-dessus du Gave.
Chemin vers les sources à Gazost
Le succès de la station thermale fut immédiat. Avec le train, il suffisait de 15 h en classe luxe du Rapide de Paris pour arriver de la capitale. H. Sassère ouvrit les thermes en 1885. En 1890, l'électricité arriva et en 1891, Arthur Jeulhard, journaliste du Figaro vantait le climat sédatif de la région. Argelès-en-Bigorre future Argelès-Gazost, connut alors une période dorée.
Captage de la source de Gazost
Suivi de la canalisation de Gazost à Argelès. Plan B.R.G.M.
Un parc à l’anglaise de 5 ha avec un kiosque fut créé en 1892. Il fut complété par un Institut thérapeutique et un casino de bois avec salle de concert, théâtre, salle de lecture. Il brûla en 1901. Un nouveau casino fut reconstruit sur l'actuel terrain de pétanque. Puis en 1938, il déménagea à nouveau pour occuper le bâtiment de l'Institut thérapeutique, place qu'il a conservée à ce jour.
Cet institut thérapeutique physique et d'orthopédie permettait la pratique de la rééducation, les massages et l'électrothérapie. Il possédait une piscine d'eau chaude et une piscine d'eau froide.
Séduits par son microclimat et la littérature pyrénéiste en plein essor, les curistes d'un certain niveau social, n'hésitèrent pas à utiliser les grandes villas édifiées par des investisseurs fortunés et avisé comme le comte Henri d'Agrain qui réalisa cinq villas avec des architectes extérieurs au pays pour "la location saisonnière mondaine." La partie basse d’Argelès-Gazost devint alors une véritable ville jardin. Son environnement bucolique, la qualité de ses hôtels, la présence de thermes et d’un casino furent ses principaux atouts. Vinrent y séjourner grand nombre de gens célèbres tant dans l’aristocratie européenne que dans les mouvements littéraires et artistiques ; entre autres, Victor Hugo, Emile Zola, George Sand, l’impératrice d’Autriche Zita, François Mauriac et les princes de Béarn…(1) Ils transformèrent le village en une sorte de Pau en modèle réduit. Mais la Première Guerre mondiale mit un terme brutal à ces fastes.
En 1920, la fonction thérapeutique de la cité se confirma par la création de plusieurs établissements spécialisés dans la rééducation fonctionnelle, l’électrothérapie et le traitement de la tuberculose.
Demeurent actuellement le parc, les thermes, le casino et les belles villas. Les grands hôtels dont celui du Parc et de France ont été transformés en appartements. Jadis ils étaient fréquentés par des artistes : peintres, sculpteurs, chanteurs lyriques et des pyrénéistes. Dès 1892, le kiosque était animé par des chefs d'orchestre prestigieux, dont Jules Danbé de l'Opéra-comique de Paris.
Le parc devant l'institut thérapeutique mentionné ci-dessus, transformé en casino, était entouré de grilles de style Art Nouveau provenant de la fonderie du Val d'Osne. C'est le même style de grilles que nous retrouvons sur les balcons de l'Hôtel Moderne (ex Soubirous) de Lourdes. C'est cette fonderie qui est à l'origine des entrées de métro de Paris dessinées par H. Guimard et des fontaines Wallace de la capitale.
(1) Une liste assez complète a été réalisée par Martine Millet-Leybold dans la revue de la SESV de 1982.
Le bâtiment des thermes
Situé en bordure du parc du Casino, c’est le bâtiment à la façade très typique présentant un appareillage de pierres, de briques et de galets disposés en « feuilles de fougère », comme dans certaines bâtisses de la plaine de Tarbes. Il a été construit en 1884 et inauguré en1885, comme mentionné ci-dessus, par Hector Sassère. L'aile droite sera construire à l'identique ultérieurement.
À l’intérieur, c’est une débauche de marbres gris et roses polis « de manière que les microbes ne puissent pas y adhérer ». Le hall spacieux mène à une buvette. Le réservoir d'eau cylindrique de 80 m de diamètre d’eau se trouve en sous-sol, il a été remplacé par une bâche. Le site est ouvert de Pâques à fin octobre, tous les jours, sauf les dimanches.
Façade principale des thermes d'Argelès-Gazost et intérieur. Photos J. Omnès
Buvette. Bain bouillonnant. Photos J. Omnès
Les traitements
Ses eaux chlorosulfurées sodiques sont recommandées pour le traitement des phlébites et des maladies des voies respiratoires. Comme les autres thermes de la région, ceux-ci proposent une remise en forme avec bains bouillonnants, douches au jet et hydromassages. Formules à la carte, forfait journée ou semaine. Ces Thermes se sont spécialisés ces dernières années sur les soins des lymphoedèmes des bras, survenus après un cancer et ablation de sein . En 2014, ils ont reçu les agréments de l'Agence Régionale de Santé de Midi-Pyrénées pour les forfaits d'éducation thérapeutique Veinothermes (phlébologie) et Lymph'Thermes (lymphoedème) Ces agréments viennent appuyer le professionnalisme et l'efficacité des protocoles des soins thermaux prodigués à Argelès-Gazost. Un nouvel appareillage de drainage lymphatique et veineux automatisé complète la gamme de soins .
En 2010, a été créé le Jardin des bains. C’est un espace de 1500 m² situé dans l’aile sud des thermes. Ce lieu de balnéothérapie à une vocation de centre de remise en forme intimiste, ludique et grand public.
Salle orl.
Le jardin des bains. Photos J. Omnès
Le Jardin des Bains s'étend dans un univers d'espaces intérieurs et extérieurs aux ambiances végétales, minérales ou florales et comprend comme installations : plusieurs bassins dont la température de l'eau varie entre 33° et 34°, des hammams et un « couloir de marche » bordé de plantes médicinales. On y pratique aquagym, aquaphobie, gymnastique douce. Un Jardin Aqua’ludique est à la disposition des enfants. Parmi ces espaces, a été réalisé un lieu intimiste : La Ziggourat. Il rappelle un « édifice religieux mésopotamien à degrés du type pyramide ». La pénombre met en valeur des représentations statuaires de l’art mésopotamien. Sous la végétation, des espaces voûtés accueillent de nouvelles installations à base d'eau : un hammam, un bain turc, un bain aux senteurs d'huiles essentielles et un bain à musique entourant un bain bouillonnant !
2)Station thermale de Barèges (Labatsus-Barèdge)
Barèges, à 1250 m d’altitude, possède une station thermale réputée pour ses eaux sulfurées sodiques utilisées dans le traitement des affections rhumatismales.
Ses eaux surgissent entre 26° et 40, °des profondeurs du massif granitique, où elles ont séjourné et effectué un trajet de plus de 8 000 ans, tirant de là leur minéralité et leur richesse bienfaisantes.
La station de Barèges-Barzun a été bâtie sur les 12 sources thermales (1). Deux établissements sont là pour vous accueillir :
- les Grands thermes, recommandés pour leur action sur la reconstruction osseusejn et les rhumatismes,
- les thermes de Barzun, recommandés pour le traitement des affections des voies respiratoires.
Entièrement modernisés, ils sont adaptés aux nouvelles techniques de soins.
Historique de son origine
L’origine de la qualité thérapeutique des eaux de Labatsus-Barèdge devenu Barèges remonte à la nuit des temps. Les bergers s’étaient rendus compte que les animaux de leurs troupeaux qui avaient des blessures, venaient régulièrement se tremper dans les eaux chaudes et sulfureuses de ses sources. Leurs membres guérissaient rapidement. Compte tenu de leur qualité curative, elles furent très tôt utilisées sous le nom d’eau d’arquebusades après la défaite de Pavie en 1525. Défaite qui vit arriver de nombreux blessés de l'armée royale. Mais la « station » n’était constituée que d’ « un bassin de pierre brutes » et deux cabanes. De plus, il fallait passer par le col du Tourmalet. Fagon, médecin de Louis XIV, après avoir en 1670, présenté ses eaux à l'Académie des Sciences de Paris recommanda une cure au duc du Maine, fils bâtard du roi et de Madame de Montespan. Celui-ci était affligé d’une fistule anale, d’un pied bot et de rachitisme. Il vint plusieurs fois à Barèdge en 1675 puis en 1677 et 1681, accompagné de Madame de Maintenon. Il en partit guéri et la renommée de la source ne fut plus à faire
C’est à Madame de Maintenon que le hameau de Barèdge de la commune de Betpouey doit son nom. Pendant son séjour au bourg des Bains, elle datait ses lettres de « Barèges » alors que cette appellation appartenait à toute la vallée Labatsus-Barèdge qui était la propriété indivis des communautés de la vallée.
Louvois Mme de Maintenon
Si les cures furent profitables à son protégé, Madame de Maintenon ne supportait pas la région : « Le lieu le plus affreux que je ne peux vous dire. » Affirmation confirmmée par Louis de Froidour, intendant des eaux et forêts. Cela n’empêcha pas Louvois, secrétaire d'État et ministre d'État de Louis XIV, de venir en 1680, dans le hameau pour soigner une fracture de jambe ainsi que ses excès de table. Il en conclut que "ces eaux se doivent être plus estimées que l'or." En rentrant à Versailles, il obtient de Colbert des crédits pour des premières installations militaires dès 1732.
Principales dates
- 1732, construction de l'hôpital militaire (appelé caserne), grâce à un arrêt du Conseil d'Etat du Roy. La caserne est doublée d'une chapelle. Elle peut recevoir dès 1734, 100 officiers et 400 sous-officiers et soldats (2). L'arrêt fait également mention de mesures concernant la pureté des eaux chaudes et la situation de la voirie.
- En 1737, le fontainier de Versailles, Chevillard aménage les deux principales sources.
-La route Luz Barèges est terminée en 1744, rendant accessible la station toute l’année, sans passer par le Tourmalet.
- 1752, un poste de médecin militaire est créé.
- 1766, de nouveaux bâtiments militaires sont édifiés.
L'hôpital atteindra 80 lits en 1767 ; cela n'empêche pas que de nombreux soldats doivent loger dans des campements voisins ou chez l'habitant.
- 1775 et 1777, de nouvelles sources sont captées par le fontainier Gency et l’ingénieur Moisset (3)
L'empire napoléonien avec ses guerres, verra affluer nombre de blessés et parmi ceux-ci, les maréchaux Murat, Ney, Augereau, Lanne, suivis par 20 000 grognards (4)
- En 1792, Ramond de Carbonnières rédigera pour le Comité de Salut Public, un rapport positif en précisant que l'"on a fait plus pour Barèges que pour toutes les eaux des Pyrénées"
- C’est Napoléon III, qui, après un voyage dans la région, fait édifier entre 1861 et 1864, les thermes actuels composés d’une nef de 52 mètres. Il prend à bras le corps les problèmes des catastrophes naturelles en procédant à un reboisement important par la loi du 28 juillet 1860. D’après J.-L. Massoure sous son règne, il y avait 16 cabines et trois piscines : la militaire, la civile et celle dite des pauvres. (5) Et en plus de la caserne pour les militaires, Barèges possédait une cinquantaine de maisons pouvant loger environ 800 personnes (6).
-En 1946, grâce à Urbain Cazaux Barège(s) se détache de Berpouey et devient commune.
-À partir de 1980, des rénovations régulières sont engagées ainsi que trois captages à plus de 100m afin de mettre les eaux à l’abri de toute pollution. Ils apportent une appréciable sécurité sanitaire de la station qui se lance dans le thermoludisme et le bien-être.
Les voies d’accès
On accédait alors à Barèdge par Bagnères-Campan et le Tourmalet avec des chaises à porteurs. L’accès direct se faisait par un sentier fort escarpé (appelé échelles de Barèges). Vu la déclinaison des terrains, l’accès s’avérait très difficile et souvent impossible par mauvais temps. La voie directe par les gorges de Pierrefitte, prévue par l’intendant Mégret d’Étigny (voir les généralités) fut améliorée, puis élargie, puis transformée en véritable route. Elle fut achevée en 1744, grâce à l’ingénieur Polard.
Vu par Melling en 1826. L’hôpital avant la venue de Napoléon III :
Le site
La demande des curistes était si forte, que par soucis d’économie on utilisait l’eau des buvettes après son passage par les bains. D’où la remarque de Weld : « On recule de dégoût à la simple idée de la boire lorsqu’elle est souillée par des blessures, des desquamations, des plaies gangréneuses et des éruptions scrofuleuses. » On pense alors à Lourdes et les malades des piscines qui, poussés par la foi, buvaient des gorgées d’eau de leur bain.
(1) La vie d'autrefois dans les Hautes-Pyrénées de J-F Ratonnat, édition Sud-Ouest, page 116
(2) René Favier Tourisme thermal et catastrophes naturelles en milieu de haute montagne–Barèges (XVIIIe –XIXe siècles, HAL, p. 1
(3) René Favier Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans l’histoire, citant Michel Barrué, MDSH-Alpes2002, p. 175-191
(4) Petite histoire du thermalisme par Michel Dupeyre éditions PyréMonde, 2008, page 62
(5) Hier la vallée de Barèges Le pays toy aujourd’hui, édition Langues romanes et civilisations romanes p. 6
(6) René Favier Tourisme thermal et catastrophes naturelles en milieu de haute montagne–Barèges (XVIIIe –XIXe siècles, HAL, p.1
(7) Weld Charles Richard (1813-1865) Les Pyrénées d'Ouest en Est, 1859 ; réédition Rencontre, 1970 et Loubatières Portet-sur-Garonne, 2003.
Mais si l’eau était utilisée en usage externe avec ces bains aux propriétés curatives certaines et réputées pour guérir les blessures causées par les coups de feu, elle pouvait aussi être utilisée sous forme interne par déglutition. Cette eau spéciale est appelée barégine. Weld en donne sa description : « si vous êtes curieux de savoir à quoi elle ressemble vous pourrez satisfaire votre curiosité sans vous rendre à Barèges, en goûtant un mélange d’œufs pourris et d’eau de rinçage d’un canon de fusil très sale. Lorsqu’on laisse reposer cette eau pendant un certain temps, on trouve un dépôt curieux constitué d’une substance gélatineuse, amorphe et graisseuse, découverte pour la première fois dans les eaux de Barèges, d’où le nom barégine. »
Les thermes de Barzun spécialisés dans les voies respiratoires à l’entrée du village furent longtemps considérés comme concurrentes des sources du hameau ; aussi au XVIIe siècle les Barégeois n'hésitèrent pas à incendier ses cabanes de bois. Puis en 1897, une avalanche emporta ses bâtiments qui avaient été reconstruits. Ceux ci ne furent reconstruits et rénovés qu'en 1920. Ils furent achetés par la commune en 1985.
Fontaine de Barzun en pierre du pays.
Thermes modernisés
Inérieur des thermes de Barèges Hôpital militaire face aux thermes (carte postale)
La caserne
Bâtiment des officiers. Carte postale
3) Station thermale de Beaucens
Histoire
Petite station à 480m d’altitude, faisant aussi hôtellerie, située sur la route du donjon des Aigles. La source d’eau faiblement chlorurée sodique contient du fluor et des oligo-éléments. Son eau provient de deux griffons, "Motteville" et "la Fenêtre", situés à proximité de l'établissement thermal actuel. Elle est connue depuis le XVIIIe siècle par les locaux. Son rayonnement date de 1820, date à laquelle le docteur Balancie suite à son mémoire, l’aménagea en station thermale avec des débuts forts modestes.
En 1898, après l’achat des sources par une société anonyme ayant son siège à Argelès, furent engagées des analyses poussées de l’eau, par Adolphe Carnot, directeur de l’Ecole nationale des Mines. De nouveaux captages furent engagés.
Au début, les malades ne disposaient que d’un simple bassin dans lequel l’eau s’écoulait. Puis ce fut la construction d’un bâtiment dans le site le plus le plus ombragé, abritant quatre baignoires en planches.
La station passée aux mains de la famille Trey Bourguine, ces derniers firent construire en 1914, les thermes actuels, les baignoires en bois furent remplacées par des baignoires en tôle émaillée. Et la station doublée d’un hôtel.
En 1970, les thermes sont la propriété de la famille de mèdecins Coiquil d'Argelès-Gazost. Ils créent la Compagnie des eaux minérales de Beaucens. Celle-ci prendra fin vers 2018. Depuis, le site est fermé. Il a été racheté par un Palois en 2019, avec un projet de rénovation bloqué pendant la période du Covid.
Elle reçevait près de 500 curistes par an, surtout des habitués qui veulaient profiter du calme et de la verdure environnementale.
Les traitements
La source est indiquée pour les traitements en rhumatologie.
Les thermes sont spécialisés dans le traitement des douleurs d'origine vertébrale, telle que la sciatique, les lombalgies, les névralgies cervico-brachiales et les séquelles après intervention sur hernie discale. Ses eaux sont également indiquées dans le traitement des arthroses, des arthrites et polyarthrites, et des séquelles post-traumatiques.
La station est ouverte de mai à octobre.
Les bâtiments
L'établissement en V s'ouvrant sur le parc a été dessiné par l'architecte palois Jules-Antoine Noutary a été réalisé en 1914. Sa décoration intérieure, avec ses stucs et ses céramiques, note une influence Art Nouveau.
L’hôtel des thermes est situé de plain-pied avec l'espace des soins thermaux dans un grand parc arboré et dispose d'une piscine d'agrément bien exposée. Il est recherché pour son calme et est ouvert aux curistes comme aux touristes de passage.
Intérieur des thermes de Beaucens
L'une des quatre baignoires en planche. Photo plaquette publicitaire, 1912.
Les thermes et son hôtel en 2017
4) Le Village thermal de Cauterets
Cliché D. Julien
Ses sources sulfurées chaudes, abondantes, riches en silice, en oligo-éléments, furent d’abord utilisées à proximité de leurs points d’émergence, à la Raillère ou sur le flanc du Pic des Bains. Depuis 1995, le forage réalisé à partir du gisement d’eau minérale situé à 500m de profondeur, commun aux sources du groupe nord, César, Espagnols, Pause et Rocher, permet un débit de 840m3 par jour avec une température de 53 degrés. Les indications thérapeutiques sont principalement l’ORL (oto-rhino-laryngologie) et les voies respiratoires : traitement des rhinites, sinusites, otites, laryngites, trachéites, bronchites, ainsi que la rhumatologie et notamment le traitement de l’arthrose. Les eaux sont administrées en humages, aérosols, pulvérisations, bains, douches, cures de boisson et les soins les plus sophistiqués, douches pharyngiennes, insufflations tubaires, traitement des sinus, sont dispensés par le corps médical.
Le village primitif et les bains du groupe nord
Marguerite de Navarre, vers 1530 (B.N)
Ces « baigneurs » venaient boire les eaux bienfaisantes et soigner diverses affections, maladies de poitrine, affections du larynx, douleurs rhumatismales ; ils se baignaient dans de rudimentaires cuves de bains, petites piscines construites sur trois niveaux : le Bain d’en haut, le Bain du milieu ou source des Espagnols et le Bain d’en bas, « la Fontaine d’Amour » de Marguerite de Navarre, dit-on, appelé ensuite Bain des Cagots (bain des familles Mailhoc et Canarie d’Argelès-Gazost) avec, le confrontant, le Petit Bain des Pères.
Pauze-Vieux vers 1860 (chemin aménagé en 1855)
Plan de 1853
Avant sa fermeture
L’établissement de César
Cependant, l’accès difficile de ces sources et le peu de confort des cabanes firent que l’on descendit les eaux au village d’en bas qui, entre temps, s’était développé et modernisé : l’eau du Bain d’en haut et celle de la source des Espagnols furent amenées dans l’établissement actuel de César. Cet édifice fut inauguré en 1844 ; il passait alors pour un des plus beaux des Pyrénées avec sa façade monumentale aux trois portiques, son accès par un bel escalier en marbre ouvrant sur un hall immense. Depuis, l’établissement a fait l’objet de nombreuses transformations, agrandissements et aménagements adaptés aux nouveaux traitements thérapeutiques et à l’amélioration du confort des baigneurs. Dans ce bâtiment sont regroupées toutes les activités de soins ORL/voies respiratoires et rhumatologie.
Les Bains du Rocher
D’autres sources furent exploitées dans l’établissement des Néothermes qui recevait l’eau des anciens thermes de Rieumiset et du Rocher. Cet édifice était environné d’un jardin anglais qui se prolongeait en un parc verdoyant aboutissant au Théâtre de la Nature où se produisaient des artistes de la scène parisienne. La façade à grandes baies vitrées qu’encadraient deux cèdres majestueux a été préservée. Le nouveau bâtiment abrite aujourd’hui « Les Bains du Rocher », centre thermo-ludique où sont offertes diverses prestations pour le bien-être de chacun, la détente ou la remise en forme dans de l’eau thermale naturellement chaude et dans un environnement de verdure reposant.
Bains du Rocher
Les établissements du groupe sud – la Raillère.
Dans le même temps, des établissements avaient été construits en amont du village autour de différentes sources, celles du groupe sud. A la fin du XVIIIe siècle, fut construit l’établissement de la Raillère, très bel ensemble spacieux et moderne, dont l’eau était particulièrement prescrite pour le traitement des voies respiratoires ; il est aujourd’hui fermé par crainte des éboulements de la montagne qui le domine, le Péguère.
La Raillère, carte postale
C’était, en 1807, l’établissement que fréquentait la reine Hortense, épouse de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier et roi de Hollande. Hortense de Beauharnais était venue à Cauterets tenter de surmonter le chagrin immense causé par la mort de son fils aîné. Pour elle, on avait rénové le pavillon Richelieu, aménagé un salon voûté et quatre cabinets avec baignoires en marbre, glaces, tapis, rideaux et, le jour de l’annonce du traité de Tilsitt entre l’Empereur et le Tsar, la Reine se baigna sous une double couronne de roses et d’immortelles, dans un pavillon en forme de tente orné de guirlandes de laurier.
Plus haut, en poursuivant vers le Pont d’Espagne, l’établissement des Bains du Pré a disparu, mais celui du Petit St-Sauveur rebaptisé Thermes des Griffons est aujourd’hui Centre de Rhumatologie. En montant toujours, on découvre, au-delà de la grotte de Mauhouratn (1), l’ancien établissement des Bains du Bois, lui aussi fermé.
(1) Voir dossier patrimoine naturel -grottes
Petit Sauveur et Bains du Pré
Cascade de Lutour
Au XIXe siècle, l’âge d’or
C’étaient les débuts du Pyrénéisme, la découverte romantique des beautés sauvages de la montagne. Cauterets, ville d’eaux très en vogue, accueillit de nombreux personnages célèbres, peintres et écrivains que l’on ne peut tous citer : trois ans après le peintre JC Nattès qui a laissé de remarquables dessins du village de cette époque, George Sand qui n’était encore qu’Aurore Dupin, baronne Dudevant, séjourna l’été de 1825 dans la maison du docteur Labbat et connut un tendre amour en la personne d’Aurélien de Sèze ; tout en la nature et le monde qui l’entourait l’émerveillait « courir, monter à cheval, rire d’un rien, ne pas se soucier de la santé et de la vie ». En 1829, Chateaubriand y rencontra « l’Occitanienne », « la naïade du torrent », plus tard comtesse de Castelbajac. Victor Hugo séjourna un mois en 1843 dans la pension Managau, non loin de l’hôtel où était logée Juliette Drouet.
La gare routière. Photo J. Omnès
Hôtel Continental, carte postale
Le vaste établissement thermal des Œufs, le Casino aujourd’hui, fut inauguré en 1869. Il était alimenté par de l’eau de source captée près du gave au niveau de Mauhourat et descendue par une canalisation de deux kilomètres de long ; le rez-de-chaussée était réservé au thermalisme avec une piscine de 20 mètres de long d’eau sulfureuse, l’étage au casino et aux salles de spectacle et de bal. L’esplanade ombragée avec le kiosque à musique et le promenoir couvert étaient le rendez-vous des baigneurs qui, l’après-midi ou le soir, venaient écouter l’orchestre du casino ou assister à une des fêtes qui s’y donnaient.
La rénovation de cette esplanade devrait permettre de retrouver un peu de l’atmosphère d’antan.
Marie-Paule Mengelle. Avec tous nos remerciements.
PS (ndlr) : la découverte en 1965, de bains romains à une centaine de mètres au nord des bains de Pauze-vieux est évoquée dans le dossier préhistoire-protohistoire. Celui des bains des Cagots dans le dossier Patrimoine humain, les Cagots.
Station thermale de Saint-Sauveur
Le village essentiellement thermal s’étire tout en longueur sur un promontoire dominant le gave, à un km au sud de Luz. On y accède, entre autres, par le pont Napoléon.
Saint-Sauveur par E. Frossard
La légende
Dès l’époque romaine, ses eaux sulfurées sodiques à indication gynécologique, sortant à 32ºC sont connues et fréquentées par les patriciens de la région. Une légende rapporte qu’une bergère désespérée de ne pas avoir d’enfants reçut la visite d’un ange. Celui-ci lui demanda d’aller boire de l’eau de la source voisine. Elle en conçut tant d’enfants que la source fut envahie par un nombre considérable de femmes en mal de progéniture. Les désordres occasionnés par cette foule obligèrent les autorités à fermer le lieu. Voir le dossier Patrimoine oral, les légendes
Histoire
D'après les Annales de J. Bourdette, la première mention écrite de son existence date de 1495. Ces eaux furent remises en vogue au XVIe siècle par l’évêque de Tarbes, Gentien d’Amboise. Fuyant les troupes protestantes, il se réfugia à Villenave en 1569. Il profita de son séjour pour agrandir la petite chapelle qui longeait les thermes à l'air libre. En 1572, il y fit graver cette phrase symbolique du prophète Isaïe sur le frontispice de la chapelle : "Vos Haurietis aquas de fontibus salvatoris" : "Vous prendrez les eaux de la source du Sauveur" d’où le nom de la station naissante Saint-Sauveur. Nous savons qu'en 1717 " les habitants de la vallée allaient y prendre les bains dans un rudiment d'établissement." Mais ce n'est qu'en 1722, après la guérison d'une néphrite de l'abbé de Besga (Bézégua) que la station naissante acquit une notoriété. À la suite du rapport de l’Académie de médecine vantant les mérites des eaux de Saint-Sauveur, Louis XV reconnut le site comme sources d'Etat en 1750. Il lui assigna en 1768, un médecin permanent, le docteur Normande. Quatre sources au XIXe sièle, alimentaient plusieurs bains. Il s'agissait de la source d'Hountalade, les sources des Dame et Fabas captées sous la rue, devant les thermes actuels et la source Dufau captée au-desous des thermes actuels.
Les bains
D’un grand bassin commun recouvert par une voûte creusée dans le rocher, on passa après travaux en 1778, d’après les archives de Luz, à une dizaine de piscines aux quatre émergences principales. Ces bains sont mentionnés par Jean Bourdette dans ses Annales (1) : deux baignoires aux bains de la Chataigneraye, deux aux Bains du Milieu, Trois aux Bains de la Terrasse et deux aux Bains de Besga (abbé). Un cinquième bain fut réalisé par le préfet en 1809 avec trois baignoires. Ce fut les Bains de la Chapelle. En 1819, le site comptait une buvette, une "douche à bain" et les treize baignoires de marbre mentionnées.
(1) Les Annales du Labéda de Jean Bourdette, édition Lacour, 2001. Tome IV, pages 329-331.
L’évolution à partir de 1830
Mais il fallut attendre le Romantisme et son goût des cascades, des gorges profondes et des « affreux abîmes sans fin », pour voir défiler tout ce que la France comptait de femmes célèbres. La « station aux Dames » reçut George Sand, les duchesses d’Angoulême (1823), de Berry, belle -fille de Louis XVIII (1828). En fait, les cures permettaient aux Parisiennes de quitter la capitale en été et de se retrouver dans de petites villes pyrénéennes, bien au frais. « Les belles dames et les beaux messieurs font toilette et figurent en se parlant de leurs maux d’entrailles et de leurs rhumatismes », écrivit George Sand (Aurore Dudevant) lors de son séjour dans la station, avec son amant Aurélien de Sèze. Elle avait 21 ans. Il faut dire que la venue de toutes ces dames n’était pas très appréciée des épouses des bergers. Cette présence du beau monde venant souvent de la capitale nécessita des améliorations constantes.
De 1830 à 1861, un aménagement d'envergure fut réalisé par la construction de l’établissement thermal après captage des résurgences de l’autre côté de la route, tel que nous le connaissons actuellement. Nous devons cet édifice d’architecture classique néogrecque, sans étage, à l’architecte Artigala. Il est orné sur sa façade donnant sur la rue, de colonnes doriques. A l’intérieur le hall donne sur des portiques à colonnes.
Après la grande mode de l’époque romantique, aux alentours de 1830, pour les eaux de Saint-Sauveur qui était devenu le « Faubourg Saint- Germain pyrénéen », la renommée de la station thermale commençait à décliner. Mais un sursaut inespéré vit le jour quelques décennies après.
Vers 1860, Les retombées touristiques des Apparitions de Lourdes (1858), prirent la relève des Parisiens. Puis ces retombées redoublèrent après le séjour en fin aout-septembre 1859 du couple impérial. Suite à une fausse couche d'Eugénie, une cure à Saint-Sauveur lui fut prescrite (1). Puis vint la mère de l’impératrice en 1863.
Les arrivées et le séjour de tous ces nouveaux curistes furent facilitées par les aménagements réalisés par Napoléon III, avec sa route carrossable jusqu’à Gavarnie, la construction du célèbre pont Napoléon, l’édification de l’église Saint-Sauveur et de la chapelle Solferino en mémoire de sa victoire sur les Autrichiens Sans compter la construction de la maisonSainte Eugénie pour les malades aux faibles revenus, des travaux de pare-avalanches à Barèges et surtout l’aménagement des thermes pour plus de confort qui se poursuivit ; si bien qu’à cette époque, on pouvait compter vingt « cabines de bains », deux douches et deux buvettes. Les baignoires étaient toutes identiques en marbre gris des Pyrénées. Ce qui posa un petit problème plus tard pour la notoriété de l’établissement.
La baignoire de l’impératrice
Il se trouve qu’après le départ du couple impérial, de nombreux curieux voulaient voir où se trouvait la baignoire de l’impératrice. Or, rien ne la distinguait de celle de son époux que se trouvait dans une cabine à côté (2), et même de toutes les autres baignoires qui étaient en marbre gris des Pyrénées. L’effet, nous apprend Louis Le Bondidier, (3) était « médiocre, mesquin. Presqu’un discrédit rejaillissait sur les thermes » Il fallait régir. Aussi on aménagea la cabine 14 d’une belle baignoire de marbre blanc qui est annoncé depuis, être celle de l’impératrice, même si celle–ci n’a jamais connu « les beautés secrètes d’Eugénie de Montijo » (3)
- (1) Du 19 août au 11 septembre 1859
- (2) La cabine 16. Celle de l’impératrice était la cabine 15. Le directeur de l’établissement avait eu la délicate attention de faire percer par l’ingénieur maison, la cloison d’un trou pourvu d’un « tube acoustique ». Pour ses travaux et cet aménagement particulier il fut récompensé par une Légion d’honneur
- (3) Louis Le Bondidier Napoléon III et Eugénie aux Pyrénées. Reprint Monhélios, 2015
En 1995, le bâtiment Artigala fut prolongé par un bâtiment de conception moderne en remplacement de l’hôtel Dufau et de ses bains privés. L’ensemble prit le nom de Thermes Luzea
Les chaises à porteurs
Devant le succès grandissant du thermalisme pyrénéen, il devint nécessaire pour transporter les curistes, de réaliser des chaises à porteurs afin de leur éviter la fatigue et la boue des chemins. Cela fut une activité artisanale florissante. Surtout quand les bains étaient éloignés du lieu de villégiature. A Saint-Sauveur les curistes étaient souvent logés de l’autre côté du gave, à Luz. Mais les chaises locales produites étaient assez ordinaires, un peu lourdes et peu dignes de l’impératrice Eugénie, lors de son séjour dans la station thermale. Il fut alors fait appel à la municipalité de Vichy qui offrit avec moult publicités une chaise « élégante » à la municipalité de Luz. Certains textes parlent d’un cadeau direct à l’impératrice. Toujours est-il que la chaise a disparu au départ des époux impériaux. Au Musée pyrénéen de Lourdes, dans les réserves, se trouve également une chaise à porteurs. Elle provient des thermes d’Ho(u)ntalade. La tradition l’attribue à la reine Hortense, la mère de Napoléon III. Or cette dernière n’a jamais fait de cure à Ho(u)ntalade. D’après Louis Le Bondidier, il y aurait eu confusion avec la duchesse de Berry ou d’Angoulême (1). Il y a également une chaise dans le mini-musée de la mairie de Luz. J’ignore son origine.
La chaise de Vichy et l'impératrice, gravure du Monde illustré
La chaise du mini- musée de Luz
(1) Napoléon et Eugénie aux Pyrénées, éditions Monhélios, 2015, page 28.
Pendant longtemps on a cru à la multiplicité ses sources. Il s’est avéré lors des travaux de 1830, qu’il n’y avait qu’une seule source avec plusieurs résurgences. Après captage des eaux par Artigala, son bâtiment reçu le nom de Bains des Dames pour être intégré par la suite aux Thermes Luzea. La résurgence de la source de Hountalade avec ses bâtiments située en hauteur sont aujourd'hui fermés.
Actuellement, fontaine publique de Hountalade sous les anciens établissements.
Photo J Omnès
Photo ancienne de Loucrup65
Les anciens thermes de la Hountalade actuellement, propriété privée, la source coule à droite. Photos J. Omnès
La maison dite de l'Horloge, elle servait à loger les curistes. Photo J. Omnès
Les bâtiments actuels
Il a été depuis, restauré, embelli et prolongé en 1995, par le bâtiment moderne à grandes baies vitrées que vous voyez sur les photos. En 2004, celui-ci s’est étoffé d’un spa en balcon sur le gave de Gavarnie et d’un hammam en pierre au charme oriental. L’ancienne baignoire d’Eugénie sur les marbres napoléoniens côtoie les fauteuils de Philippe Stark. Les thermes de 1830 sont inscrits au titre des monuments historiques depuis le 9 octobre 1975. Détail cocasse, la cabine de l’impératrice communiquait par un trou avec celle de l’Empereur à côté.
Les soins de nos jours
Les thermes de Saint-Sauveur baptisés Luzea, sont ouverts de début mai à fin octobre, sauf le dimanche (1). Avec des navettes gratuites entre le centre-ville et les thermes, les curistes basés à Luz peuvent venir facilement à Saint- Sauveur pour le traitement des voies respiratoires, de la phlébologie et de la gynécologie. Les anciens établissements de 1860 ont été complétés par les thermes modernes inaugurés en 1996. Saint-Sauveur bénéficie depuis 2004, d’un véritable centre de remise en forme et de balnéothérapie avec hydromassages, saunas ou hammams, salle de gym, douches au jet, piscine et Jacuzzis en balcon sur le Gave du Mensonger. De nombreux forfaits sont offerts aux curistes : découverte, détente, minceur, forme, anti-stress, anticellulite.
(1) Prolongation l’hiver tous les jours, en soirée.
Une petite vidéo :
http://www.dailymotion.com/video/xb4uga_luz-saint-sauveur-visite-des-therme_news
Hôtel et bains Dufau. Photo Loucrup65
Sortie des bains Dufau sur le mur sur rue de Luzea
Thermes modernes, les anciens thermes se trouvent dans le prolongement des thermes de 1830. À la place de l'hôtel Dufau. Ils dominent le gave de 60 m en contrebas. Photos J. Omnès
Anciens thermes de 1830-1860, reliés au nouveau par différents bâtiments.
Hall et blason de la ville en marbres variés des Pyrénées. Photos J. Omnès
Piscine Fontaine en marbre du pays. Photos J. Omnès
Fresque imitation villa romaine.
Baignoire présentée comme celle de l'impératrice Eugénie. Photos J. Omnès
À gauche, colonne commémorative érigée en 1824 par les locaux en l’honneur des passages de la duchesse d’Angoulême-Madame Royale. La duchesse était le seul enfant de Louis XVI et de Marie-Antoinette sorti vivant des affres de la Révolution. A la chute de l’Empire (1814) elle s’installa à Bordeaux avec son mari, le duc d’Angoulême, son cousin, qu’elle avait épousé en 1799. La seconde colonne, à droite, se trouve à l’entrée du village. Elle a été érigée en l’honneur de la venue en 1828, de la duchesse de Berry, belle-fille de Charles X. Cette colonne, plus petite que la précédente, domine un promontoire face au gave.
Lourdes, station thermale, une gageure ?
Cette histoire inconnue du grand public a failli changer le destin de Lourdes, du moins aurait fait évoluer son économie
Il est connu dans les milieux bien informés, que la petite cité qui abrita plus de 4000 âmes à l’ombre de ses remparts en voie de disparition avait comme activité commerciale ses deux marchés importants, ses nombreuses carrières de marbre dit pierre de Lourde, d’ophite, ses ardoisières et un vaste domaine boisé composé de deux forets riches en bois de construction et de fabrication de tonneaux de chêne, Subercarrère et Mourle.
La proximité de sources importantes et le grand regret du maire Lacadé de constater que la source de Massabielle n’était pas minérale malgré l’analyse furtive du pharmacien Pailhasson, pensa à chercher ailleurs une source capable d’attirer des touristes curistes comme Bagnères- de- Bigorre. Celle de Gazost (deux sources) analysée en 1851, par Filhol, professeur de chimie de Toulouse s’avérait être d’une remarquable qualité par la quantité d’iodure qu’elle renfermait (1).
Aussi en 1873, après de nombreux conciliabules, le maire de l’époque Maximilien Larrieu (1871-1876) envisagea de céder une partie du bois de Mourle estimée à 300 000 francs au gestionnaire des eaux sulfureuse de Gazost, M Valentin de Paris, successeur de M Yartz (Yars) et de M Burgade de la société civile de Gazost dont le siège était à Toulouse, qui appartenait à la communauté des communes de Castelloubon. L’exploitation de ses deux sources se faisait surtout par expéditions de bouteilles (1)
Une délégation de huit personnes de Lourdes se rendit sur place à Gazost, le 31 mai 1873. La procédure avançait bon train quand Maximilien Larrieu fut remplacé en 1876, par Ferdinand Barthier qui constitua une nouvelle commission sous la présidence du docteur Douzous, pour la réalisation technique du projet. La commune vota en février 1880, un budget de 100 000 francs pour l’entreprise susceptible d’amener l’eau à Lourdes (12 km) et construire un établissement thermal (2).
Nestor Lapeyre devient maire en février 1881.
Et M Pailhasson, le célèbre apothicaire-chocolatier, d’exprimer son enthousiasme : « Lourdes doit comprendre son avenir ; en ayant Gazost en ville, la fortune de la localité serait ainsi assurée » et de conclure « L’inspecteur général des eaux minérales, en raison de ses hautes fonctions et de ses relations contribuerait puissamment à la réussite de la question de Gazost, si utile à la ville et à l’humanité » (3)
1883, un certain H Sassère de la société thermale des Pyrénées fait son apparition sur la scène médiatique, achète les terrains des sources et après 25 jours de travaux fait aboutir l’or blanc à Argelès qui va devenir la ville thermale Argelès –Gazost !
Que s’est-il passé entre 1881 et 1883, je n’ai trouvé aucun texte expliquant cet abandon de Lourdes. Quelle pression a subi le conseil municipal et de qui ? Je laisse votre imagination vagabonder.
Entre temps, un certain J Bédouret ouvrait ses propres thermes mais avec de l’eau ferrugineuse d’une source proche du Lapacca. La ville de Lourdes abritait deux sources d’eau ferrugineuse. Vu l’importance des bâtiments, il avait vu grand. Cet immeuble pour lequel je n’ai trouvé aucune information eut comme dernier propriétaire M. Hauser, le père du rugbyman (4). Il a été rasé lors de l'agrandissement de la place Jeanne d'Arc avec sa jonction avec la piscine de la Coustète, sous le mandat Béguère en 1957.
Je suis à la recherche de l’histoire de l’hôtel des Bains et des raisons de sa disparition.
(1) 8 000 en 1868. Bulletin SESV numéro13, page 127.
(2) les Maires de Lourde Atlantica, page 350.
(3) Bulletin SESV, numéro 16, page 143.
(4) Information Georges Lévèque.
Lire :
Napoléon III et Eugénie aux Pyrénées par Louis Le Bondidier, reprint édition MonHélios, 2015
Les annales du Labeda par Jean Bourdette, reprint édition Lacour 4 tomes, 2001
Petite histoire de Cauterets du docteur G. Labayle, éditions des régionalismes, 2016
Hier la vallée de Barège-Le pays toy aujourd'hui de J.-L. Massoure, édition Langues et civilisations romanes, 2019
Petite histoire du thermalisme dans les Hautes-Pyrénées par Michel Dupeyre, éditions PyréMonde, 2008