S'il y a deux mini-industries, proches de l'artisanat et spécifiques du Pays de Lourdes, c'est bien la fabrication de médailles et de cierges. Très emblématiques depuis les Apparitions de 1858, elles subsitent encore sous la forme de deux entreprises locales, qui, malgré de nombreux déboires ont réussi à se maintenir, en évoluant vers la production de qualité, représentant un faire-valoir patrimonial.
1-Fabrication de médailles
Avec la fabrique ancestrale de chapelets dans la région, nous avons, suite aux Apparitions de Lourdes en 1858, une implantation d’ateliers de fabrication de médailles religieuses. Mais, vu les différentes crises, seule subsiste l’entreprise lourdaise Séral. Nous n’avons pas trouvé de traces d’anciens fabricants lourdais.
La Séral, fabricant de médailles lourdais
La Séral (Société d'Editions Religieuses et d'Articles de Lourdes) fabrique depuis 1946 des médailles dans son atelier à Lourdes, 38, chemin de Lannedarré, derrière le stade de la ville. C’est le seul atelier frappeur de médailles sur Lourdes. Nous n’avons pu obtenir d’historique d’avant-guerre. Mais, en mai 2012, l’entreprise a failli disparaître suite à un incendie dans ses ateliers de 800 m.² Une forte solidarité locale et une grande volonté de ses employés ont permis de juguler le drame et de reprendre un nouvel élan.
En 2020 , l’entreprise a obtenu le label EPV : Entreprise du Patrimoine Vivant, pour son savoir-faire relatif à l’émail verre. C’est-à-dire l'émail grand feu, appliqué au pinceau et à l'aide d'une pince et qui donne un aspect plus lumineux à la médaille. Cette technique s’est surtout développée pour les médailles dites de Lourdes (visage de la Vierge légèrement sur le côté) ainsi que pour les médailles dites miraculeuses. La couleur bleue représente le symbole de la ceinture de la Vierge de l’Apparition lourdaise. Cet email dit “grand feu” est obtenu à partir de poudre d’oxyde métallique, sous forme de résine qui est capable de résister aux grandes températures de plus de 1000°C (d’où son nom, “grand feu”).
La Séral a connu un nouveau départ en 2022, après la crise du Covid, avec la venue d’un ancien de chez Cartier, Adrien Collange. À ses côtés, est resté le patron historique de 2016, Jean-Aimé Boutelier.
La fabrication
Pour les médailles émaillées, une vingtaine d'opérations sont nécessaires par unité : le découpage de la plaque de métal, laiton, bronze, aluminium, argent, or, la fabrique du moule en positif et négatif, la presse pour imprimer le métal, le polissage du métal, puis manuellement l'émaillage, la cuisson, l’installation de la bélière (l'attache qui la liera à la chaîne). La chaîne est « tricotée », tricotage suivi aux extrémités par la pose des « menottes », puis éventuellement terminée par un « diamantage » pour la rendre brillante.
Les chiffres
Environ un million de médailles émaillées ou non, sortent chaque année de ses ateliers. Elles sont vendues à Lourdes, bien sûr, mais aussi rue Du Bac, à la chapelle N.-D. de la Médaille miraculeuse à Paris, en Italie, Espagne, Australie, Etats-Unis, Mexique. La vente sur Lourdes représente 50 % de sa production
Environ 17 personnes travaillent actuellement dans l’entreprise qui a connu des périodes fastes où 45 employés, avant l’incendie dévastateur, travaillaient pour Séral.
Diversification
La société envisage d’aborder le marché des musées de France avec des porte-clés ou encore les entreprises, avec la fabrication d'objets personnalisés. Dont une médaille spéciale avec les armes de la ville de Lourdes, pour la boutique du Château-fort
Les pastilles Malespine
Dans les années 1970, la Séral a fait l'acquisition de la société de pastilles type Vichy à l’ « eau de Lourdes » Malespine, qui avait été achetée avec sa machine historique à pastillage par Madame Le Ster, puis Lamande. La boutique-atelier était installée rue de la Gare. Cette machine dont la disparition a suscité notre inquiétude, est introuvable. Elle ressemble à celle de Mazuel Pailhasson qui se trouve au musée du chocolat à Cambo 64. Sur les pastilles de Séral-Malespine, la vierge a la tête couronnée pas sur celles de Mazuel. Voir le dossier gastronomie.
Depuis fin juillet 2023, une visite des ateliers a été organisée à des dates et heures précises : www.seral-lourdes.com
https://www.youtube.com/watch?v=hLFM056lrCk
La médaille miraculeuse de la rue du Bac La vierge.
La presse Photo Séral
Les moules
2-Fabrication de cierges
La ciergerie de Lourdes
Brûler un cierge est un acte de Foi. Ce symbole comme nous l'a rappelé J.-K. Huysmans dans La cathédrale, est composé de trois parties : "la cire qui est la chair très chaste du Sauveur, né d’une vierge, la mèche qui scellée dans la cire est son âme cachée sous les voiles de son corps et la lumière qui est l’emblème de sa déité. " (1) On voit là, l‘influence du symbolisme chrétien à la fin de sa vie.
Historique
Au début, les cierges de cire, venaient de Marseille. Le magasin des sanctuaires dirigé par un certain Monsieur Bergé recevait en 1889, 41 767 kg de cierges. La cire non brulée représentait environ 10 000 kg. Soit un peu plus de 20 %. Elle était revendue aux ciergeries de Marseille. Après la guerre de 1914-18, une ciergerie locale s’avérait nécessaire (2). Et la cire fut lentement remplacée par de la paraffine plus abordable.
La société de la ciergerie lourdaise (dénommée Ciergerie de Lourdes après 1998, est l’exemple le plus vivant de la connexion –fusion sanctuaire- entreprise privée ; depuis sa création : la ciergerie a le monopole de la livraison des cierges à la grotte et la récupération de la cire (maintenant paraffine) fondue.
Initialement société par actions simplifiées au capital de 584000 € elle avait comme principaux partenaire la famille Douste-Blazy (ancien maire de la ville et ancien ministre de la santé). Son effectif de 30 salariés en 1928, est tombé à 25 en 1995, 19 en 2008 (3). La production moyenne était de 700 tonnes ce qui représentait près de 3 millions de cierges et de bougies. Avant la vente de l’entreprise aux sanctuaires, il était impossible de visiter et d’obtenir le moindre renseignement. Sa réponse à Reuter avait été en 2004 : « La démarche du pèlerin qui brûle un cierge est une démarche silencieuse, nous respectons cela et souhaitons rester à l’ombre de la Grotte » !
L'entreprise a obtenu le label « Entreprise du patrimoine vivant »
Rachat et gestion par les sanctuaires
La démarche logique fut le rachat par le sanctuaire, via l’EUR basilique du Rosaire, en septembre 2022 et la nomination d’un directeur de fabrication, Laurent Lacoste. Cela entraina quelques modifications sur la présentation des cierges, qui, pour répondre aux nouveaux présentoirs à pointe des chapelles de lumière à la grotte, nécessita la fabrication d’une machine spéciale destinée à faire des trous à la base des cierges. Innovation qui fut à l’origine d’une levée de bouclier des commerçants qui ne pouvaient plus vendre leurs stocks de cierges, car ils ne pouvaient tenir dans les nouveaux présentoirs. Autre modification, la politique de porte ouverte de l’entreprise qui mit en place des visites guidées (le matin).
Notre visite
C’est en suivant une bande bleue au sol, que nous écoutons les explications fortes instructives de Robin, dans une atmosphère de bruits et de chaleur. Nous apprenons que 15 personnes (essentiellement des femmes) assument la marche de l’entreprise, et que la production est de 450 tonnes annuelles (à comparer aux 700 tonnes de 1928). Le % de paraffine récupérée est toujours tabou. Mais il n’a du guère évolué. Nous apprenons aussi qu’il y a des cierges trempés et des cierges moulés (les plus gros) de 2 à 60 kg.
Les cierges des sanctuaires ont un logo différent de ceux vendus aux commerces.
En plus des cierges, l’entreprise fabrique des bougies et des lumignons au socle biodégradable et composables. Ils représentent environ 15 % du tonnage de paraffine.
L’entreprise peut répondre à des demandes particulières de cierges ou de bougies avec un pourcentage de cire.
Ainsi a pu se maintenir, cette activité emblématique de Lourdes. .
Préparation des fils de coton sur des cadres à placer sur le manège afin d'être plongés à plusieurs reprises dans un bain de paraffine chauffé à 70 °C
Le manège ; les cadres avec leurs fils tournent autour d'un axe pour être plongés quelque sminutes à chaque passage, les uns après les autres dans la cuve de paraffine chaufée à 70¨°C. Il faut environ une demie-journée pour une rotation totale. Avec une production de 1200 cierges à chaque opération, jusqu'à la finalité de l'action.
Après être détachés les uns des autres au niveau du fil de coton qui les joint deux à deux, les bases sont coupées avec un sécateur électrique pour avoir une même longueur, puis les cierges sont placés sur cette machine pour être troués à la base.
Logo pour les commerces et pour les sanctuaires Variétés de lumignons. Photos J. Omnès
La société fabrique également des cierges qui n'ont pas de trou. il s'agit des cierges plus fins, les cierges-flambeaux utilisés pour les processions nocturnes. Ils ne sont pas déposés dans les chapelles de lumière après utilisation. Leur "chapeau" généralement en papier (il y en a en plastique) présente imprimé, le chant à entonner lors de la procession. Ceux d'un concurrent, l'entreprise Brousse a ce chant imprimé en quatre langues, une pour chaque côté du "chapeau.
Les lumignons ou bougies votives
Fin 2024, la ciergerie lourdaise va produire ses bougies votives ou lumignons pour alimenter la cathédrale N-D de Paris. A raison de 1 250 000 pièces par an. Suite à un contrat de trois ans, cela représentera une production de 10 000 votives/jour et nécessitera dans l’immédiat l’embauche d’un saisonnier et plus si nécessaire. Première livraison en décembre 2024.
De forme simple en demi cône à plusieurs couleurs dont le blanc pour N-D de Paris avec son propre logo, ces veilleuses de dévotion sont composées d’huile de soja dans un contenant à base d’herbe de garrigue, le tout biodégradable. Si le contenant est fabriqué dans l’Hérault, le remplissage se fait à la Ciergerie de Lourdes.
Lumignon, N-D de Paris avant la pose du logo
Une vente en ligne de lumignon a été créée pour N-D de Paris, en complément de celle de Lourdes .
(1) La cathédrale. Édition Plon, 1906. Page 134
(2) Jean de Bonnefon, Lourdes et ses tenanciers. Édition Louis Michaud, 1905
(3) Géo 42, août 1982.
UNE AUTRE ENTRPRISE DE BOUGIES : L’entreprise Broussse et fils
S’il n’y a qu’une fabrique de cierges- bougies à Lourdes, c’est que les autorités de jadis, ont fait leur possible pour éviter toute concurrence à l’entreprise familiale lourdaise. Les candidats ne manquaient pas, comme la ciergerie de Bernard Grenier de Cahors (1) qui voulait en 2003, s’installer à Pouyferré, avec l’assentiment du maire de l’époque J.-L Cazaubon.
Après une levée de bouclier du maire de Lourdes, considérant « le manque de concertation dans cette opération qui est dangereuse pour la concurrence » (2), la société mit fin à sa demande qui fut suivie en 2008, par celle de la ciergerie Brousse et fils de Brive-la-Gaillarde, exactement de Saint-Viance.
C’est une importante société française, créée en 1889, dont l’activité principale est la fabrication et la commercialisation de cierges, bougies et veilleuses, comme la Ciergerie de Lourdes.
Mais l’installation d’une usine également refusée, elle se contenta d’établir des entrepôts, comme elle en possède à travers le territoire français. A Lourdes ils sont situés avenue Peyramale.
La société qui vendait surtout des bougies, lumignons, s’est mise à vendre des cierges y compris des « cierges à trou » et des cierges flambeau pour les processions. Son capuchon présente imprimé, le chant à entonner lors de la déambulation en quatre langues, une pour chaque côté du "chapeau" :
Châpeau Brousse avec les chants en quatre langues, une par côté. Photo J. Omnès
(1) Ancien 3e ligne de la grande époque de rugby de Lourdes dans les années soixante.
(2) Lourdes-info du 26 mars 2003