
LES FRUITIÈRES
Une fruitière est une fromagerie traditionnelle de montagne où est transformé du lait cru apporté par des éleveurs individuels réunis en coopératives, afin de le transformer en beurre et fromage. Elle a son origine dans le Jura. En Bigorre, l'idée d'une coopérative n'était pas évidente chaque producteur étant habitué à travailler seul et à vendre au premier acheteur. Son nom vient du fait que les paysans mettent en commun le fruit de leur travail, en l’occurrence le lait, afin de le faire fructifier à travers la fabrication d’un fromage artisanal de grande taille.
LA FRUITIÈRE DE CAUTERETS
La création d'une fruitière dès 1876, sur l'exemple de ce qui se faisait dans le Jura, est due à l'initiative de l'inspecteur des Forêts, monsieur Calvet. Il fut aidé dans sa démarche par son administration et les conseils généraux des départements pyrénéens. Mais une reconversion d'élevage devait se faire dans la foulée en substituant l'élevage des moutons "dégradeurs de pâturage" par du gros bétail. Ce qui d'après Jean Bourdette (1) avait pour but également de retarder "la ruine des terrasses supérieures d'estive." C'est ainsi que fut créé l'association Fruitière de Caoutarés (Cauterets) avec l'édification à 1374 m d'altitude, d'un "chalet-abri"et l'accord du Syndicat de Ribère de Saint-Savin (Ribera de Sén-Sabi). C'est devenu depuis un lieu de randonnée avec une auberge et un refuge l'hiver (accès pédestres) grâce à un programme de travaux dont elle a bénéficié en 2022
1) Annales des sept vallées du Labeda tome 4 page 452, ; édition Lacour, 2001
La fruitière à l'origine. Carte postale
La fruitière de nos jours. Photos J. Omnès
Transformée depuis en restaurant Les estives environantes
LA FRUITIÈRE DE BARÈGES
l’abbé Izac, jeune vicaire s’était rendu compte que ses administrés dans la vallée de Barèges avaient une certaine difficulté à vendre leurs fromages. Il eut l’idée de réaliser un syndicat de producteurs de lait destiné à fabriquer beurre et fromage en grande quantité, en diminuant le maximum de frais. Jean Bourdette (1) nous dévoile que la tâche à « renoncer aux antiques usages fut rude » Il parvint à réaliser son rêve. Le « Sindicat » a été fondé en 1894 et la première fruitière installée à Esquièze (Esquiésa) en 1895, avec pour directeur un ancien élève de la Fruitière-école de Marignac (31). La fabrication était en moyenne de 120 kg de fromage et 600 kg de beurre par mois, aux environs de 1899.
Annales des sept vallées du Labeda tome 4 page 476, édition Lacour, 2001
LA FRUITIÈRE DE GER
Historique de la fruitière
Un grand merci à la famille Sassus pour ces informations. Voir aussi le blog de Bertrand Sassus « Ger mon village »
LES FADERNES (Hadernas)
Les fadernes ou haderna étaient très présentes dans notre région dès le Moyen-âge. Elles étaient représentées par une communauté d'ecclésiastiques : curés, vicaires, prêtres, chapelains. Ils se réunissaient régulièrement dans une vaste maison au nom d'"Oustaou dera Haderna". Leur syndic était élu tous les ans. D’après Gustave Bascle de Lagrèze, le nom viendrait de la langue d’oïl : father, fader, père ? (1)
Il s'agissait lors de ces réunions de se partager les montants des messes pour les défunts messe unique ou obits (messe à perpétuité). Les fadernes étaient aussi aptes à recevoir dons et legs de la part des fidèles. Jean Bourdette dans ses Annales du Labeda les évoque, l'une d'elles existait en 1280 (Sères-en-Barèges) et Jacques Poumarède en a fait le sujet d'une étude en 1978 :" A l'origine des paroisses de montagne dans le diocèse de Tarbes" (2).
Bascle de Lagrèze a mentionné dans son histoire du droit dans les Pyrénées-Comté de Bigorre (1) les statuts de la faderne de Juncalas, souvent citée et a énuméré les différents bénéficiaires qui se réunissaient dans cette maison. Le texte est en bigourdan. Il s’agissait des recteurs et mossens (1 bis) de Gazost, Cotdoussan, Geu, Lias, Berberust, Osté, Ordon, Juncalas, Cheust, Ordiis, Gazost, Sazost, Antalos, Ordon, Puchac (?) et Justous.
Jean-Charles Rivière lui nous rappelle le rôle économique de ces assemblées qui distribuaient sous forme de prêts notariés, l'argent reçu. Il précise qu'au premier trimestre 1708, en Barèges, les actes notariés du notaire royal avaient enregistré que sur les 53 actes passés, 18, concernaient des prêts, dont 6 par l'intermédiaire des fadernes (3).
Bien que représentantes de la solidarité et du partage chrétien dès l'implantation du christianisme en hautes vallées pyrénéennes, ces fadernes ont rarement intéressé les instance épiscoplales. Les archives des diocèses sont inexistantes sur ce sujet. Peut- être à cause de leur puissante autonomie
(1) Histoire du droit dans les Pyrénées. E-book, pages 384-385.
(1bis) nom fréquent en Espagne surtout en Catalogne que l’on pourrait traduire par père, traduction non garantie.
(2) Les fadernes du Lavedan : associations de prêtres et sociétés de crédit dans le Diocèse de Tarbes (XVe -XVIIIe siècles), dans « Mélanges » de Jean Dauvillier, Toulouse, 1979, pp. 677-694. Après la présentation de cette institution originale, l’auteur insiste sur la vie associative particulièrement intense et égalitaire dont témoigne cette institution. A partir de la faderne de Juncalas, il lui a été possible de dresser un état des sommes en jeu pour la période 1654-1783 et d’estimer les taux pratiqués, et les dispositions prises.
(3) Bulletin SESV 1977, page 123
Lire également Les fadernes du Lavedan par Jacques Poumarède. Une partie de l'ouvrage se trouve dans Mémoires de Lourdes, bulletin municipal.
En Haute-Bigorre
Du Moyen Age au XVIIe siècle il a été dénombré 18 fadernes ; 14 pour le Lavedan et 4 pour les Angles. Ce sont généralement des maisons imposantes, dont certaines ont résisté au temps. Nous avons relevé quelques-unes d'entre elles. Par ordre alphabétiques des villages nous avons :
Les Angles
Sur les hauteurs du village. Cette maison propriété d'un parent a été jadis la chapelle du château, puis détruite en partie pendant les guerres de Religion, elle a été transformée en faderne. Une porte en pierre de taille au linteau en arc en accolade se trouve toujours à l'intérieur. Sur le porche est gravé un agneau pascal avec son étendard. En 1860, la bâtisse a servi d'école et de local à archives. L'instituteur était logé dans l'aile sud. Etait membre, entre autres, de cette faderne depuis 1342, le curé de Neuilh (Nulh) (1)
(1) Les Annales du Labeda de Jean Bourdette, éditions Lacour, page 434.
Arras-en-Lavedan
En 1972, des travaux ont modifié le toit en enlevant les lucarnes et supprimé les ailes de la batisse, dont le côté gauche qui abritait la porcherie et le poulailler. Cette haderna possèdait une autre batisse au XVIe siècle avec jardin et verger pour servir d'abris à des enfants pauvres et nécessiteux. Elle avait pour nom haderrneta. (1)
(1) Jean Bourdette Les Annales du Labeda, Lacour, page 455 (achat avril 1586).
L'ancienne faderne (haderna) près de l'église
Physionomie actuelle 2020, les ailes ont été arasées
Aucun
Faderne mentionnée en 1100 dans le cartulaire de Bigorre.
Batsurguère (Bat Surguèra)
Cette faderne ou hadernà à qui étaient adressés les rentes obituelles (1) de la vallée était située à ? .. Elle correspondait aux cures de Ségus, Aspin (Aspi), Omex (Aoutméts) Ossen (Ossén) et Viger (Biyér).
Mentionné en 1516 (2), on peut suivre aux archives, son évolution jusqu’en 1782.
(1) messes anniversaires.
(2) Archives départementales des H-P. G 1151 à 1154.
Voir aussi Les annales du Labéda de Jean Bourdette, éditions Lacour, 2001, page 340.
Beaucens
Sa faderne abritait trois paroisses qui se partageaient 30 rentes obituelles, avec en moyenne 100 livres par affilié.
Gez Argeles
C'est derrire l'arbre que se trouvait la faderne
Le musée d’Aucun dans la section lapidaire abrite, en plus de meules de moulins, quel ques pièces : linteau, morceaux de fenêtre trilobées, départ d’escalier qui appartenaient à une maison noble ui se trouvait +sous la vassalité de l’abbaye de Saint –Savin et qui servait de faderne ou haderna à Gez-Argelès. Appelée maison Galan, elle est mentionnée dans l’ouvrage de Ritter et Balencie de Lourdes à Gavarnie, page 86
Pour ce qui est du linteau il est indiqué, semble-t-il, une date : 1552, transformée en IHS, Jésus sauveur des hommes, les deux informations se chevauchent à la pointe de l’accolade. Sur la partie droite, le seau royal de la fleur de lis, consécutif à la lettre patente d’octobre 1341 de Philipe VI donnant aux moines de Saint-Savin le privilège d’arborer le panonceau royal sur toutes ses propriétés et dépendances. (1) Nous avons le même panonceau sur le linteau de la fenêtre géminées de l’ancienne faderne de Sassis.
Nous avons retrouvé l’emplacement de cette faderne de Gez qui a complètement disparue, remplacée par une maison moderne. Elle se situait au centre du village, derrière l’extrémité d’un mur. Il ne reste plus aucune trace. Le petit -fils de l'ancienne propriétaire Galan, habite en face, de l'autre côté de la rue. Et un parent à l’extérieur, vers le bas du village, possède la base d’une colonne, de la porte ?
Fenêtre trilobée et sa base
Linteau au musée d'Aucun 1552 et ihs plus le seau royal marquant l'appartance à St Savin
Socle de colonne décoré d'animaux ; sur le dessus, pas visisble, un creux circulaire pour recevoir une colonne (de la porte ?) Photo J. Omnès
Pour comparaison linteau de la faderne de Sassis avec AM, IHS et le seau royal. Photo J.-M. Prat d'Aucun
PS : cette faderne n'est pas mentionnée dans les Annales du Labéda de Jean Bourdette
(1) Les annales du Labéda tome 2, page 68, édition Lacour, 2001.
Préchac
La faderne se trouve sur les hauteurs d'Ayret. Nombre de locaux la situe dans la grange-ferme du château, il semble qu'elle se trouvait plus en hauteur, au 59 cami d'Areyt, dans la propriété de Thiery Trémouille dont le nom est Haderna.
Site de la Haderna au 59 cami d'Areyt un peu plus haut du château, avec maison, poulailler et ruines
À la grange-ferme ?
Juncalas
Sa faderne correspondait à 10 paroisses, et abritait 23 membres en 1679 : curés, vicaires et desservants qui se partageaient 30 rentes obituelles entre 1540 et 1600. Ce qui représentait au XVIIe siècle, en moyenne 25 livres par affilié.
Bascle de Lagrèze a mentionné dans son histoire du droit dans les Pyrénées-Comté de Bigorre les statuts de la faderne de Juncalas, souvent citée et a énuméré les différents bénéficiaires qui se réunissaient dans cette maison. Le texte est en bigourdan. Il s’agissait des recteurs et mossens (1) de Gers, Gazost, Cotdoussan, Geu, Lias, Berberust, Osté, Ordon, Juncalas, Cheust, Ordiis, Gazost, Sazost, Antalos, Ordon, Puchac ( ?) et Justous.
Un nouveau règlement fut élaboré le 3 août 1577, plus proche de l'air du temps : influence huguenote.
ll nous a été impossible de retrouver qu'elle était la maison en question, même après avoir interrogé les personnes les plus âgés du village. Nous pensons que cela pourrait être la mairie actuelle (ex- école) , qui seule possède sur son linteau un symbole christique : IHS. Jusqu'à preuve du contraire. Nous savons pa Jean Bourdette que le bâtiment fut vendu avec ses dépendances, comme bien national, le 5 octobre 1795, à Messieurs Poumarous et Baron du village. (2)
(1) Les Annales du Labeda de Jean Bourdette, édition Lacour, tome 2, page 431
(2) Les Annales du Labeda de Jean Bourdette, édition Lacour, tome 4, page 229
IHS 1724.
Lau (Balagnas)
Le long du chemin du Salhet il y avait une maison ancienne à toit de chaume (il n’y a plus de chaume sur la photo) et à pignon à redents. Elle a été rasée par son propriétaire vers l’an 2010. C' était l’une des plus anciennes maisons de Haute-Bigorre, probablement des XVe-XVIe siècle. D’après son linteau richement décoré, il est évident que le propriétaire n’était pas un paysan lambda.
En l’analysant, on pencherait pour la maison d’un curé, soit de l’église paroissiale soit de la chapelle de Sainte Castère du château d’Abilhac (rasé lui aussi il y a peu) qui est juste en face, sur la colline. Il se peut aussi que ce soit une faderne, bien qu'elle ne soit pas mentionée dans les Annales du Lébéda de Jean Bourdette.
En effet, sous la forme d’un nœud de Salomon, nous avons le monogramme IHS (Iesus Hominum Salvator). Le signe en forme de mini croix, au-dessus du I serait le point de la lettre. Ce cachet rappelle celui qui se trouve encastré dans le mur extérieur de l’église d’Arrens.
L’interprétation du second sceau est un peu plus délicate. D’après l’ancien charpentier d’Aucun il représenterait l’arbre de vie encadré par deux chèvres stylisées. Thème récurrent en Haute-Bigorre qui a trait aux psaumes 42 et 43 évoquant une biche qui a soif de Dieu. L’arbre de vie représentant l’eau de la source divine. « Comme la biche vient s’abreuvoir à la fraicheur de la source, je m’avance vers toi seigneur, car j’ai soif de toi ». Une explication plus rationnelle veut qu'il représente les lettres A M d'Ave Maria, interprétation plus classique partagée par Arnaud Lalanne. Contactés les propriétaires actuels ont conservés l'encadement au complet, mais ne veule pas vendre. Pour information, il y avait un prêtre dans la famille.
Il ne reste plus rien
IHS Jésus sauveur des hommes
D'après J-M Prat deux chèvres sur l'arbre de vie ou AM Ave Maria
Luz
Faderne de tot Baretge
Marsous
Nous avons une trace de son existence par un procès en 1660, du curé Lacassabe contre la hadèrna de Marsous devant la Cour Présidiable de Tarbe(s). (1)
(1) Jean Bourdette, les Annales du Labeda, édition Lacour tome 3, page 265
Saint -Pastous
Cette faderne est mentionnée dans des textes de 1412. Elle recevait les obits des habitants du village et de ceux de Boô, Silhen, Asmets, Couret, plus Sainte- Marie, Bayes et Saint-Germès (hameaux). Les rentes venaient aussi des habitants de Cabanac (hameau de Boô) (1)
(1) Les Annales de Jean Bourdette, édition Lacour, page175.
Saligos
Cette faderne abritait les prêtres des paroisses de Saligos, Chèza (Chèze) et Biscos (Vizos).
Nous avons une trace de son existence par un procès en 1648, devant le Sénéchal., contre Marie de La Crampa, au sujet de dîmes, Et un second procès en 1662, devant le Sénéchal, du curé de Biscos (Vizos) contre la Hadèrna. (1)
(1) Jean Bourdette les Annales du Labeda édition Lacour, tome 3, page 215
Salles
En face l'église, est située la farderne médiévale qui se trouvait dans l'enclos du château. Il parait que tranformée au XIXe siècle (1819), elle servait encore recemment à l'accueil de prêtres. La maison restaurée depuis, a été vendue à une personne de Bordeaux. Le claveau représente 4 coeurs en forme de croix ; symbole que nous retrouvons sur la porte de la maison d'en face qui jouxte l'église et qui aurait été l'ancien presbytère.
Cette faderne très ancienne dont le premier document connu date de 1364, abritait dix communautés de religieux de l'Extrême de Salles (Salas) (1). Le presbytere lui, se trouvait à l'emplacement du restaurant
(1)Les Annales du Labeda de Jean Bourdette, éditions Lacour, page 91.
PS : les archives départementales abritent nombre de documents sur les fadernes de la région et les inventaires des obits : G1124 à G1174
Sassis
Linteau de la faderne de Sassis qui a disparue vers 1787. Deux hypothèses soit détruite par l'homme, soit emportée en 1787 par le raz- de- marée déferlant du lac d'Héas. Ce très beau linteau avec les classique IHS et Ave Maria a lui aussi la fleur de lis marquant la vassalité de la faderne avec l'abbaye de Saint-Savin. L'année 1506 n'est pas évidente à lire, chaque chiffre est suivi de : . Il sert maintenant de décor à une fontaine
Linteau de fenêtre trilobée avec IHS, AM et le seau royal des dépendances de Saint-Savin. Photo J.-M. Prat
Sazos
Nous avons une trace de son existence par un procès en 1660, du curé de Biscos et Chèza ( Viscos et Chèze) contre la hadèrna de Sazos devant la Cour Présidiable de Tarbe(s). (1)
Nous savons d'après un rapport épiscopal, que cette faderne existait en 1781 et quelle réunissait les curés de Sazos (J-P Destrade) de Sassis ( Jean Vergez), de Grust ( Bernard Poueymidan) et les prêtres originaires du bic (équivalent au canton).
D'après ledit rapport elle était "très délabrée."
Elle a été vendue avec son jardin à Cazavielle (Casavielle) de Luz, le 6 octobre 1795, chez Maître Jacques Faure de Nestalas.
Ce serait la maison dite des ecclésiatiques qui abrite un bénitier daté de 1701
La tradition voudrait que ce soit cette maison aux encadrements de porte du XVIIe siècle abritant à l'intérieur un bénitier daté de 1701. Elle est située, rue de la Herrade.
Le bénitier 1701. Photo C. Dupire de Sazos
(1) Jean Bourdette les Annales du Labeda, édition Lacour, tome 3, page 265
Viella
Sa faderne ne représentait que cette paroisse
Viey joint à Saint-Martin (détruit en 1600)
Sa faderne ne représentait que cette paroisse
Lire :
Jacques Poumarède : Les faderne du Lavedan. Université des Sciences sociales de Toulouse, 2018