Imprimer

Dartiguenave Contrebandiers aragonais Lanuza couverture 269 343x499 lit dembuscade LaMorenetaVirginOfMontserrat de Gyrofrog

Résumé historique jusqu’en 1839  des relations entre le Lavedan et l'Aragon

Une histoire de voisins, avec des périodes de paix, des périodes de violence, et des périodes d’indifférence.
Les relations entre les peuples habitant des deux côtés des Pyrénées n’ont pas toujours été  pacifiques.

- Avant 1171, des Tensinos (1), auxquels se joignirent d’autres Aragonais et des Navarrais , descendirent en Lavedan par les Ports de Gavarnie , de Cauterets et d’Azun ; ils s’avancèrent même jusqu’au delà de Lourdes, mettant tout à feu et à sang.

Les Lavedanais n’ont pas toujours su se défendre de ces irruptions, parce qu’elles étaient faites à l’improviste ; on sait qu’elles se renouvelèrent à plusieurs reprises et que le comte Centot fit bâtir le château de Vidalos pour se défendre contre elles. On ignore ce qui s’est passé à Arrens et à Marsous  mais on peut imaginer les combats qui ont pu s’y dérouler.

- A une date inconnue,  il fallut, par la “Paz de Canfranc” , arrêter les pillages et tueries entre les vallées d'Anso, Echo, Ainsa et le Lavedan de Barèges et d’Azun .
Vont commencer les guerres de  « Rey à Rey » :

- 1264 à 1387, protection par le roi d’Aragon et l’évêque de Huesca de la commanderie des hospitaliers de Gavarnie (hôpital et église) qui détenait aussi des biens en Espagne (vallées de Gistain, Panticosa et fort de Monzon.

- 1300, en vue de la guerre avec le Lavedan pour des problèmes de pasteurs et de montagnes avec Jaime Ier.

- 1313, Jaime II la tour de Lanuza est construite contre le danger toujours latent représenté par les Gascons.

- 1325 et 1326, il y a de nouvelles actions belliqueuses contre le voisin occidental parce qu’il y a des alarmes parmi les Tensinos (1) ; le roi les dispense de participer à l’attaque contre Villaréal et le canal de Berdun pour qu’ils puissent défendre la frontière.

- 1333 sous Alphonse IV, au milieu du siècle, Pedro IV d’Aragon s’allie avec le Duc d’Anjou pour combattre Carlos II de Navarre. Les Navarrais Anglais et Gascons en  une offensive fulgurante détruisent Jaca.

- 1390, au printemps,  menace d’invasion. Le capitaine de Lourdes et les hommes de Bigorre, avec une  multitude de gens armés, ont attaqué la vallée de Tena. Cette année a vu la signature de la première  « Carta dé Pats » ou Charte de Paix entre la Vallée d’Azun et celle  de Téna ; le texte n’en a pas été conservé mais il est probable qu’il a été repris dans la Carta qui sera renouvelée en 1544.

- 1523 au cours de la guerre de Navarre, les Aragonais pillent la commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Gavarnie

-1591  La famille Lanuza de Sallent, gardienne des fueros depuis des siècles se met  en porte à faux avec Philippe II, roi d’Espagne. Affaire Antonio Perez, Invasion de l’Aragon par les Espagnols. Réductions de la portée des fueros aragonais. Deux frères Lanuza se réfugient à Arrens, le troisième en Béarn. Voir famille Lanuza ci -dessous A.

 - 1809  Les troupes de Napoléon en vallée de Téna. Respect de l’esprit des lies et passeries des deux côtés de la frontière entre gens de Tena, Sallent et  d’Arrens. Lien guerre d’indépendance.

-1811 A partir de l’Empire et de Napoléon, l’ordre ancien est remplacé par l’Administration française qui va mettre en place la douane. Mais les douaniers sont accusés de troubler l'ordre normal et surtout s’immiscer dans les conflits pastoraux en  créant indirectement  la contrebande. Les liens entre les deux côtés de la frontière demeurent, même s’ils ont baissé d’intensité.  Les commerçants sont souvent traités de contrebandiers par leurs autorités respectives. Voir ci-dessous B

- 1833 - 1913.  Les conséquences en Lavedan et Pays de Lourdes des guerres carlistes. Voir ci-dessous C

- 1839, le 8 mars : Création de la Commission syndicale de la vallée de Barège(s) par ordonnance royale de Louis Philippe. Cette commission composée de 17 syndics, gère 40 000 hectares  d'estives, de forets et de la montagne d'Ossoue indivise avec les Aragonais de Broto.

- du Moyen Age à 2020, pèlerinages N.-D. del Pilar et de Montserrat. Voir ci-dessous D

(1) Habitants de Téna


                                                                              La famille Lanuza A

Cette famille Lanuza, issue du village de Lanuza près de Sallent en Aragon comprend des notaires, diplomates, évêques, etc.  Déjà en 1400 cette famille possédait des terres à Arrens-Lavedan (Batbère) …

Etre magistrat en Aragon
L'institution de la magistrature ou Justicia date de 1265. D'abord chargé de connaître des causes entre nobles ou entre les nobles et le roi, le magistrat (juge) voit peu à peu ses attributions prendre de l'importance ; il devient le gardien des fueros. En principe le roi est libre de nommer qui bon lui semble. En fait, de 1439 à 1591, la charge n'est jamais sortie de la famille Lanuza.
À la suite d'un conflit entre Philippe II et Antonio Perez, secrétaire royal, accusé entre autres, de haute trahison. Ce dernier se réfugie en Aragon pour profiter des garanties accordées par les fueros. Le roi demande son extradition qui est refusée.

L’affaire Antonio Perez

Le 26 septembre 1591, l'Inquisition demande pour la seconde fois l'arrestation de Perez, après avoir pris la précaution d'obtenir l'accord du magistrat, Juan de Lanuza. Celui-ci, jeune homme sans expérience qui a pris ses fonctions deux jours avant, constate  que la demande est fondée et répond positivement. Cette décision provoque une émeute. Antonio Perez en profite pour s'enfuir. Il se réfugie à Pau.
Philippe II veut laver l'affront subi et envoie l'armée en Aragon malgré l'interdiction faite par les fueros aux armées étrangères d'y stationner.

La guerre Lanuza- Philippe II
Les organes du royaume d'Aragon, le magistrat suprême  (justicia mayor) Lanuza à leur tête, se résignent à déclarer, le 31 octobre, que l'entrée de l'armée serait contraire aux fueros. Ils invitent la population à y faire obstacle. La ville de Saragosse est en pleine insurrection, sous la direction de ceux qui se proclament "les chevaliers de la liberté". Ils appellent à la solidarité auprès des autres composantes du royaume d'Aragon, Catalogne et Valence, mais rencontrent peu d'échos. Les Aragonais n'ont que 2 000 hommes de fortune, mal équipés, peu rompus à la discipline, sans expérience militaire à opposer à une armée royale de 12 000 hommes...il n'y aura pas de combat. Le 12 novembre l'armée royale occupe Saragosse.

Lanuza refuse les conditions de paix du roi, à savoir d’affirmer qu’ il a agi sous contrainte et que le roi n’a pas bafoué les fueros (ce qui n'était sans doute pas inexact) Le général Vargas reçoit alors de Madrid l'ordre bref :" arrêtez et  fusillez le justicia mayor don Juan Lanuza. Le lendemain, 19 décembre 1591, Lanuza est arrêté, condamné à mort et décapité, ses biens sont confisqués. Cette exécution a fait de lui un héros national, le martyr des libertés aragonaises contre une monarchie oppressive et tyrannique, bien  que cette présentation  tient plus de la légende que de la vérité (1).

Les deux frères Lanuza
Deux frères de Juan Lanuza, s’enfuient et passent le col de la Peyre Saint-Martin. L’un, Pedro (Pierre), se réfugie à Arrens comme gendre de la maison Grabiel (Fourpome) et y fera souche.(2)

L’autre frère, Martin continuera vers le Béarn pour se réfugier à Pau auprès de la comtesse de Béarn. Il arrive à convaincre des Béarnais qu’il faut aider l’Aragon ; il lève une armée de 500 à 800 soldats, passe le col du Pourtalet, arrive à Biescas. Après plusieurs combats, l’armée espagnole arrive dans la vallée, et les troupes béarnaises sont vaincues. Martin de Lanuza s’enfuit en passant par le Marcadau et Cauterets.

 (1) Histoire de l'Espagne de Joseph Pérez - Fayard- pp. 241 -242)
 (2) Jean Bourdette : année 1593  de ses Annales, l'origine des Lanusse d'Azun           

                                                                Lanuza


     

                                        Commerce licite et illicite entre la Haute-Bigorre et l’Aragon B

Le commerce licite

Grâce aux recherches d’Annie Brives-Hollander sur les registres de 1642, du poste de péage de Torla en Aragon, nous avons une idée assez précise des courants commerciaux et humains entre les deux régions au XVIIe siècle (1). On peut penser qu’au cours des siècles, les choses ont peu évolué. Plus tard, Annie Brives a analysé le cahier de péage de Sallent de 1636. Bien que plus fourni, il n'y aura pas de grande différence entre les deux postes de douane

C’est par le chemin dit « royal » qui ressemblait plutôt à un  sentier, que les hommes et les caravanes de mules chargées de marchandises  partaient de Torla et arrivaient à Gavarnie et vice-versa, par le col de Boucharo à 2280 m, été et même hiver, contrairement aux dires de certains auteurs. Le péage devait se trouver à l’hospice San Nicolas de Burajuelo. Dénivelé de 1000 mètres du côté de Gavarnie et de 1300 m du côté de Torla, pour 5 heures de marche.

 

                                commerce plan Torla 2

Un commerce que n’arrêtaient pas les guerres royales entre la France et l’Espagne du fait des lies et passeries et des fueros qui liaient Haute-Bigorre et Aragon. Le flou des tracés frontaliers qui ne furent précisés qu’en avril 1862 (Traité des Pyrénées pour les Pyrénées centrales) fut un élément important dans le développement de la contrebande.

Le trafic
D’après les registres, celui-–ci était assez important, malgré les difficultés. Les importations aragonaises  étaient six fois plus importantes que ses exportations. D’où le nombre élevé des marchands aragonais lors des marchés de Gavarnie,  Luz, Argelès et Lourdes.

Les importations aragonaises
Le principal produit (50 % du marché) était le tissu, surtout  de lin, puis de chanvre sous de nombreuses formes : draps, ramis, étoupes, bancales. Les lainages étaient prohibés. Venaient ensuite les produits laitiers, beurre et fromages. Les troupeaux d’ovins des Aragonais étaient surtout composés de moutons. Puis les salaisons tant de porc que de poisson (du Pays basques ?) Et enfin le bétail chevaux (rocines), jeunes brebis (bourregues), cochons de lait (maranchones) et adultes (latones). Les cuirs les plus divers appelés sutiles, la quincaillerie et les articles de mercerie dont les peignes de buis faisaient parfois l’objet de négoces. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour y voir les clous de Saint-Pé qui étaient revendus à Madrid. La liste ne mentionne aucune mule, ni enclume pourtant recherchées en Aragon.

Les importations bigourdanes
Il s’agissait surtout de produits de base comme huile, sel, vin, denrées coloniales …

En premier lieu venait la laine (anino) de qualité supérieure à celle des vallées des Hautes-Pyrénées, puis l’huile d’olive et le sel de Sallent jugé plus prophylactique pour le bétail que celui de Salies. En produits manufacturés il y avait les peignes de métal et d’os et les bas. Les listes dévoilent l’absence de vin pourtant fort prisé à Gavarnie et la rareté de l’huile d’olive, de tabac ainsi que d’objets de luxe, dentelles, armes, métal précieux. On peut penser qu’ils faisaient l’objet de contrebande. Ces importations se sont multipliées sous l’empire lors du blocus continental.

Les taxes
Celles-ci s’élevaient en moyenne à 10 %sur toutes les marchandises sauf pour le bétail où les droits étaient ramenés à 5 %

Le commerce illicite

On peut facilement constater que certains produits non-inscrits dans les registres et pourtant abondants de l’autre côté de la « frontière » passaient au nez et à la barbe des douaniers. Surtout quand la frontière était déclarée fermée pour des raisons diverses : sanitaires, guerres, blocus (2). Des deux côtés de la montagne la « contrebande n’a pas de caractère délictueux et a au contraire un aspect légitime et héroïque dans la mesure où il constitue une contribution à la lutte contre l’arbitraire et la tyrannie de l’Etat. » (3)

On peut diviser ce marché illicite en deux parties : la contrebande de survie ou artisanale concernant tous les produits de première nécessité, réalisée souvent par des familles frontalières et la contrebande à grande échelle nécessitant nombre de passeurs pour des marchandises conséquentes tissus, bétails, grains.. En mars 1811, le maire de Sireix avait vu le village traversé par une quarantaine d’homme ! (4)

Les douaniers
Il se trouvait que le nombre de passages des fraudeurs  étaient trop nombreux pour être tous surveillés ; du côté français beaucoup de personnels des douanes venaient de familles locales qui vivaient en osmose avec les auteurs de contrebande. Ceux qui étaient assignés dans des foyers de locaux étaient mal acceptés. Et sous l’Empire, ils dépendaient de la sous-préfecture lointaine d’Argelès.  Par ailleurs difficile pour certains, d’aller vérifier dans des restaurants et estaminets amis  d’où provenaient certaines denrées : sel, huile et vin. Vin  pourtant servi aux tables des visiteurs de marque à Gavarnie comme J.-F.Boudon de Saint-Amans (5). Les embuscades nécessitaient de dormir la nuit dans des endroits pas très accueillants sur des lits de camp dits d’embuscade peu confortables.

                                                  Contrebandiers Terrassé VD 134

                                                                            Vie de la douane, No134, 1967

lit dembuscade Lit d'embuscade 

Les contrebandiers
Ils étaient si nombreux et repérables que nombre de visiteurs de l’époque romantique n’ont pas résisté à croquer, soit par l’écrit comme J. Dusaulx (6) ou Raymond de Carbonnières (7) soit par la lithographie, comme G. Doré ou A. Dartiguenave. Enfants du pays, ils connaissaient les chemins de traverse comme celui de la brèche de Roland ou au-dessus de l’hospice de Boucharo. Ils utilisaient tout moyen de camouflage comme des habits blancs l’hiver pour se fondre dans la neige, certains apprenaient à leur mule de traverser seules de nuit, les territoires surveillés. En dehors des contrebandiers professionnels, nombre d’habitants pauvres des vallées de Barège(s)  et du Val d’Azun se sont vus obligés sous l’Empire, qui avait rejeté tout commerce frontalier, de risquer leur vie pour  chercher de l’autre côté des monts de quoi survivre.

                            contrebandier aragonais 2   Pingret contrebandier

                                                                                                           Pingret, Barèges, 1850

                contrebandiers A. Leleu 1846    espagne aragon contrabandista en el puerto de gavarni contrebandier fonds ancely b315556101 a gavarni 2 010 2A325W2 1    

   A. Leleux     Contrebandiers aragonais 1846         Contrebandier au port de Gavarnie par GavarniDartiguenave Contrebandiers aragonais A. Dartiguenave , 1850

 

 (1) Voir Annales du Midi, revue archéologique, historique et philologiques de la France méridionale. Tome 96, N0 167, 1984 PP 253-272. Edité aussi par Persée et Pyrénées sans frontière d'Annie Brives, éditions Cairn
(2) Sous l’Empire et son blocus, la cassonade d’Espagne était très prisée
(3) Patrick Ferrant : Quelques notes sur la contrebande. L’a ffaire est décrite dans le bulletin de la SESV de 2011 par René Escafre, pp 59-64. Elle  en dit long sur l’omerta des autorités locales
(4) Un souper à Héas en 1778, 1961, p.155
(5) Voyages à Barèges et dans les Hautes-Pyrénées, p. 179.
(6) Observations faites dans les Pyrénées, Paris, 1789, pp 80-81
(7) Carnets pyrénéens, Lourdes, 1931, t 2, p.114 et t 1 p. 128

Pour un point de vue d’ensemble, lire sur Google : Formation progressive d’une frontière barrière douanière et contrebande  1761-1868 par J.-M. Minovez, Open édition book.             


 Les conséquences des guerres carlistes en Hautes-Pyrénées et à Lourdes (1833 – 1913) C


La révolte du peuple espagnol contre la présence française et la chute de Napoléon Ier vont ramener les Bourbon au pouvoir dans les deux pays. Au départ d’Espagne du frère de Napoléon, Joseph dit « Pépé botella », le nouveau souverain espagnol, Ferdinand VII va s'employer à rétablir l'Ancien Régime en brisant la loi salique en nommant sa fille Isabelle au lieu et place de son frère cadet Carlos comme successeur. Créant ainsi une querelle dynastique à répétitions.
Ce geste va provoquer trois guerres qui entraîneront un désordre continuel qui va frapper de longues années aux portes des Pyrénées françaises, ces mouvements d’origine paysanne et artisanale étant implantés au nord de l’Espagne, le long des Pyrénées.
En Bigorre, des flux de réfugiés via Gavarnie, de combattants, de blessés et de chevaux venant d’Aragon et de Navarre, vont ponctuer les échecs successifs des prétentions carlistes de 1833 à 1876, fin officielle de la guerre et annonce de l'amnistie ou "indulto" (1). Le Lavedan et tout le Sud-Ouest deviendront une base de repli politique et logistique. Certains réfugiés s’installeront à Lourdes. La suppression des fueros par le gouvernement en place multipliera l’exode de réfugiés.
Le 18 avril 1913, M. de Torrès, banquier et directeur d'une agence de pèlerinage à Lourdes, demande l'autorisation d'exhumer pour être réinhumés en Espagne, les restes d’un général carliste Rafael Tristany, mort et enterré dans la cité mariale en 1899. Cette cérémonie coïncidera par « hasard » avec le pèlerinage national catholique traditionaliste d'Espagne. Ce pèlerinage se transformera, d’une manifestation privée en mouvement politique, avec 8 à 10 000 pèlerins à majorité carliste avec la présence du prétendant au trône Don Jaime. Le 24 avril 1913, eu lieu le rapatriement par train du cercueil du général, accompagné par le prétendant Don Jaime (2).
Depuis, enhardi par la réussite de leur coup d’éclat, les Carlistes ne cesseront de venir en pèlerinage dans la cité mariale. Reconnaissable à leur béret rouge et à leur cri de ralliement « Dieu, Patrie et le Roi » et « Vive le Christ roi ».
Ces manifestations traditionalistes hautes en couleur deviendront plus discrètes dans les rues lourdaises vers 1970.

(1) Bataille d’Estella en Navarre
(2) Pyrénes 268, article de J-P Frantz, page 216-256

carlistes caricature Caricature La Flaca, 1870

                                                      Carlos  Charles de Bourbon Parme 1848

Prétendant au trône

couverture 269 343x499           illustration de propagande de la milice carliste avec drapeau disant dieu et patrie carlisme est un mouvement politique en espagne a la recherche de l etablissement d une ligne distincte de la dynastie des bourbons su

Revue Pyrénées 269                                                                Affiche de propagande carliste


                                                                La religion- les pèlerinages D

Du Xe siècle à la bataille de Muret avec la mort de Pierre II d’Aragon en 1213, l’influence aragonaise a été très forte en Bigorre, alors vassale de l’Aragon. Cette vassalité s’est lentement diluée après la mort du roi d’Aragon, Pierre II jusqu’à la mainmise en 1307, du roi de France Philippe le Bel sur ce territoire.

 En plus des fueros (fors) accordés et des lies et passeries canalisant les problèmes de transhumances, l’Espagne a été le berceau des prédicateurs venus évangéliser le Lavedan, comme saint Orens de Huesca  au Ve siècle et saint Savin de Barcelone  au VIIIe siècle. Cette influence religieuse a été très forte en Bigorre, dans l’attachement populaire à la catholicité trinitaire et la vénération de Marie avec l’engouement des pèlerinages des sites mariaux.

Deux sites importants hors du pays, vont marquer les Bigourdans dans leurs recherches spirituelles : Nuestra Señora del Pilar de Zaragoza (Saragosse) et la vierge noire de Montserrat,
Jérusalem étant trop éloigné nombre d’entre eux, n’hésitaient pas à prendre le chemin de l’Espagne pour honorer la Vierge soit à Zaragoza, soit  à Montserrat en Catalogne. Zaragoza étant également une étape incontournable pour les Jacquets se rendant à Compostelle. A leur service, des confréries de dévotion et de pèlerinages se multiplièrent en Bigorre dont Adé, Bartrès, Cotdoussan, Esterre, Ger, Les Angles, Lourdes, Lugagnan, Ossen, Préchac, Saint-Savin, Salles, Ségus,  et Sers !

Avant de passer par le col de la Peyre Saint-Martin, les pèlerins devaient probablement s’arrêter à l’église de Marsous où les attendaient au XVIIe siècle, une toile reproduisant  la visite de la Vierge au pilier à Jacques et même un rare bas-relief de saint Jacques du XVIIe siècle en tenue mahométane appelée Saint-Jacques au turban.
Auparavant à Lourdes, ils pouvaient s’agenouiller dans la chapelle médiévale de Mont Sarrat, aujourd’hui disparue et qui se trouvait à l’emplacement actuel du Crédit agricole ex-Café de France. En souvenir de ces pèlerins, l’Hospitalité de Barcelone a offert à l’église paroissiale de Lourdes, une copie de celle de Montserrat. Photos J. Omnès

                              Vierge

                             Notre-Dame du Pilier par, église de Marsous par J. Dussarat, 1680.

                                          Marsous St Jacques en oriental Saint Jacques

                  Saint-Jacques au turban église de Marsous, XVIIe siècle, saint-Jacques, église d'Arrens

Montserat Lourdes Copie de la vierge de Montserrat à Lourdes

Dans l’autre sens, dès les apparitions de Lourdes ce nouveau sanctuaire marial de 1858, fut un point de ralliement des Carlistes Navarrais et Aragonais, des adeptes de l’Opus Dei, dont le fondateur Jose Maria de Balaguer était né à Barbastro et avait fondé le site de Torreciudad en Aragon, comme les pèlerins des gens de voyage espagnols organisés autour du personnage de  Cerefino Gimenez Malla, alias el Pelé bienheureux gitan, né à Fraga en Aragon.

(1) « L'apôtre saint Jacques entendit des voix d’anges qui chantaient : Je vous salue Marie, pleine de grâce...' Il s’agenouilla tout de suite, et il vit la Vierge Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui était entre deux chœurs de milliers d’anges sur un pilier en marbre » Archives pilaristes, codex Morales VIe siècle

Nuestra señora del Pilar (N-D du Pilier)

                                                          800px Basilica del Pilar ZaragozaAragonSpain 2

                                                                                        Basilique de Zaragoza

C’est une vieille histoire. Marie mère de Jésus aurait quitté Ephèse où habitait Jean, pour l’Espagne, pour encourager Jacques le Majeur, son frère aîné, dans sa mission d’évangélisation. Elle l’aurait rencontré en chair (et en os),  dit l‘histoire légendée en Aragon à Caesaraugusta (Zaragoza-Saragosse). Elle aurait posé un pied sur une colonne d’albâtre qu’elle aurait amenée avec elle ( ?). Cette colonne était censée relier symboliquement la terre et le ciel et représenter le soutien du ciel à la chrétienté naissante. Jacques aurait alors construit une chapelle comme écrin de la colonne. Cette chapelle a été reconnue comme le premier site marial dans le monde. Il parait que toutes les personnes qui touchent le Pilier se convertissent au christianisme. La mission de saint Jacques fut ainsi grandement facilitée.
Certains textes du XIIIe siècle nous présentent sa visite comme une apparition avec la présence d’anges (1)

La chapelle fut reconstruite après le départ des musulmans en 1118.  Mais après un incendie en 1434, un édifice de style mudejar dut la remplacer avec un cloître abritant la colonne. Puis une basilique de style baroque de 1681 à1961 ! La statuette  de 38 cm en cèdre aurait été sculptée au XVe siècle.

(1) « L'apôtre saint Jacques entendit des voix d’anges qui chantaient: 'Je vous salue Marie, pleine de grâce...' Il s’agenouilla tout de suite, et il vit la Vierge Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui était entre deux chœurs de milliers d’anges sur un pilier en marbre. » Archives pilaristes, codex Morales VIe siècle

                                                  Pilar Santa Capilla 12 Miguel Hermoso Cuesta

                                                                    La chapelle du pilier. PhotoMiguel Hermosos Cuesta

Zaragoza David Abian Le pilier surmonté de la statuette.

Photo David  Abian


Nuestra Señora de Montserrat  (Monts sciés)

Il s’agit d’un site marial ancien, suite à un miracle qui serait intervenu un soir de 880, mais rapporté dans un manuscrit daté de 1239. Des bergers auraient vu une lumière éblouissante descendre du ciel et disparaître derrière les monts,  dans une grotte. Ce phénomène se reproduisit durant près d’un mois. Alerté, l’évêque se rendit à la grotte avec ses chanoines. Ils y découvrirent une statue de Marie à l’Enfant. Voulant l’amener à la ville voisine Manresa, la statue trop lourde manifestait son désir de rester sur place. Il ne faisait aucun doute, la Vierge voulait une chapelle à cet endroit. Ce n’est qu’après l’expulsion des maures en 1025, que fut édifié un monastère. Restauré au XVIe siècle, le site devint rapidement un très important centre de pèlerinages.  Très prisé par les Bigourdans habitués aux chemins muletiers, ceux-ci multiplièrent les donations et les messes d’anniversaires de décès (obits). En fait la vierge trouvée est du XIIe siècle, ce qui n’a nullement gêné les propagandistes  de la légende censé avoir lieu au IXe siècle. Des moines s’étaient réfugiés depuis l’invasion arabe dans ces montagnes et avait édifié un monastère d’où est probablement  venue cette statue. La Vierge est de couleur foncée,  d’où son surnom Morena ou Moreneta. Problème d’oxydation de pigment à base de plomb ou de fumée ?

LaMorenetaVirginOfMontserrat de Gyrofrog   montserrat 2

La moreneta par Gyfrog                                                          Montserrat Photo Google

Les miracles

Comme il se doit, N.-D. de Montserrat est à l’origine de nombreux miracles, dont l’un a eu lieu à Aspin en Bigorre en 1512, voir le dossier Patrimoine oral : légendes. D’autres concernent des Bigourdans comme Blaise Noguez, en octobre 1517, ou  Florentin Biot, en avril 1518

L’évolution

Après la mise à sac par les troupes de Napoléon et un abandon des moines, le monastère  et le cloître gothique furent entièrement reconstitués. La bibliothèque recomposée comprend 300 000 ouvrages et 400 incunables. Les foules de pèlerins sont revenues, un chemin de fer à crémaillère facilite l’accès. La copie d’une vierge de Montserrat a été offerte en 1957 à la paroisse de Lourdes en remerciement de l’attachement des Lourdais à leur site marial.