Les gens du voyage et vagabonds de toutes sortes, un patrimoine humain local bien ancré.
La région et Lourdes en particulier, n’ont pas attendu la venue ostentatoire de Roms vers 2008 pour se forger une idée sur la présence en Haute-Bigorre et dans les régions limitrophes de personnes dont l’errance servait de dénominateur commun. Une évocation des différentes poussées migratoires peut nous permettre, je pense, d’analyser sinon de mieux comprendre ...la situation actuelle, surtout à Lourdes.
Les Gitans
Jadis appelés Egyptiens, ils s’étaient spécialisés dans le rétamage des chaudrons (1) (Cantal) ou la castration d’animaux (hongreurs du Béarn).Quelques-uns se faisaient montreurs d’ours (Ariège). Et beaucoup passaient de village en village pour proposer leur service. Itinérants, ils étaient perçus comme vagabonds et se trouvaient l’objet de toutes sortes de tracasseries administratives. Ces « étrangers » sans domicile fixe étaient généralement rejetés par les populations locales et fort mal acceptés par les autorités. Ces dernières pensèrent un certain temps les envoyer dans les « îles à sucre » pour remplacer les esclaves noirs. Bonaparte n’eut pas le temps de réaliser ce projet du Consulat. Au XIXe siècle, leur sort ne fut pas plus enviable. Souvent chassés à coup de fusil, menacés de bagne, beaucoup se réfugièrent en Espagne, certains se sédentarisèrent. Si leur langue, le romanès, dérivée du sanscrit, a donné de nombreux dialectes qui ne permettent pas une intercompréhension, la musique cependant est devenue le symbole incontournable de leur appartenance à un même groupe ethnique. Le long des Pyrénées occidentales et surtout chez nos voisins souletins, la peur de ces étrangers aux mœurs supposés diaboliques, fut à l’origine de manifestations collectives d’exorcisme. Celles-ci se traduisaient par des danses ou mascarades. L’Egyptien qui représentait le mal, était vêtu de noir et les bons villageois devaient le chasser symboliquement du village.
(1) Ce sont surtout les Roms Kalderash qui travaillaient le cuivre." Le Métier était surtout exercé par les membres de l'antique corporation des étameurs-chaudroniers-fondeurs d'étain et rémouleurs, qui en tant qu'ambulants sillonnaient la France et la Bigorre en quête d'ouvrage". Robert Vollet.
Gitans montreurs d'ours. Cliché Delcampe
Le métier de montreur d'ours
Carte postale ancienne
Au XVIIe siècle
C’est surtout au XVIIe siècle que les Gitans de plus en plus nombreux furent pourchassés pour pratiques peu compatibles avec la religion catholique, comme la chiromancie. Jean Bodin magistrat n’’hésitait pas à stigmatiser « ceux qui demandent conseil à un tas de larrons et voleurs qu’on appelle Egyptiens qui sont pour la plupart sorciers, comme il s’est trouvé à plusieurs procès. » Il se trouve qu’au début de ce siècle le passage de prêtres jésuites en mission dans les Pyrénées, multiplia les cas de pratiques magiques, voire diaboliques, dans les peuplades montagnardes, surtout autour des nombreux sanctuaires mariaux et des marchés fréquentés par les gitans et suivi de près par les pères jésuites. Si bien que le pape se senti obligé en 1614 de prescrire un Rituel de l’exorcisme.
Au XXe siècle.
Le XXe siècle n’a pas été plus tendre envers ce peuple pourchassé, considéré comme étranger et qui plus est, composé d’éléments « asociaux indésirables ». Après le recensement général de 1895, de tous les « nomades, bohémiens et vagabonds », suivi d’un fichage par les Brigades régionales de police mobile créées en 1907 à l’initiative de Clemenceau, un projet de loi du gouvernement daté du 25 novembre 1908 « relatif à la réglementation de la circulation des nomades » voit le jour. La sûreté nationale sous la présidence A. Fallières institue les premières opérations d’affichage anthropomorphique des « nomades » complétées par une série de dispositifs législatifs à leur encontre : « surveillance, identification, contrôle ». Ce terme de nomade reçoit une définition plus précise en 1911, par une note du Sénat qui désignait par nomades « des roulottiers n’ayant ni domicile, ni résidence, ni patrie, la plupart vagabonds, présentant le caractère ethnique particulier aux romanichels, bohémiens, tziganes, gitanos, qui sous l’apparence d’une profession problématique trainent le long des routes, sans soucis des règles de l’hygiène ni des prescriptions légales. » Cette note, donnera lieu à la loi du 16 juillet 1912, sur le port du carnet anthropométrique d’identité. Loi discriminatoire et disciplinaire. Elle allait durer près de soixante ans, sans susciter la moindre critique.
Cette mise en fiche et surveillance permit lors de la guerre de 1940, d’interner plus rapidement les romani-tziganes (Zigeuner en allemand) jugés aptes à former une cinquième colonne, car toujours considérés comme étrangers. Le décret- loi d’Albert Lebrun du 6 avril 1940 mit à contribution nos préfets chargés de procéder au rassemblement dans des camps dits de concentration de « tous les individus sans domicile fixe, nomades et forains, ayant le type romani » Ils furent enfermés en zone sud dans le camp de Lannemezan spécialement conçus pour leur internement et Gurs en Béarn initialement prévu pour les Républicains espagnols. Cela se passait avant l’occupation allemande. Au camp de Lannemezan fut interné Django Reinhardt, qui profita plus tard de sa liberté pour venir jouer à Lourdes au café de la Rotonde avec ses amis sédentaires. Il y a eu d’autres camps en zone sud, mais pas spécialement réservés aux « nomades ». Du camp de Lannemezan ne subsiste que les locaux qui servent d’annexe à la mairie. Une plaque commémorative a été posée.
Reste du camp de Lannemezan (annexe de la mairie) et plaque commémorative. Photo Sapiens.sapiens.com
Mais leur internement en France et leur extermination programmée (en Allemagne) ont laissé peu de trace dans la mémoire collective. À l‘exception d'Emmanuel Filhol avec « La mémoire et l’oubli 1940-1946 » (édition l’Harmattan), peu d’intellectuels se sont intéressés à ce peuple martyrisé. Lors des expositions annuelles sur leur histoire au Palais des Congrès de Lourdes pendant le « pèlerinage gitan », peu de visiteurs se pressent pour découvrir des panneaux explicatifs illustrés de photos souvent inédites. Et pourtant Lourdes est à l’origine d’une aventure peu commune avec une reconnaissance progressive de cette communauté humaine en organisant le premier pèlerinage gitan en 1957.
Les Gitans et Lourdes
Si la pastorale de Pie XII pour les migrants, s’adressait aussi aux gens du voyage, il a fallu attendre 1957 pour que l’Eglise catholique romaine s’intéresse à leur sort, il faut dire qu’ils allaient naturellement chez les Pentecôtiste où leur foi pouvait s’exprimer d’une façon plus sensuelle, plus naturelle. Nous devons ce soudain intérêt pour l'Eglise catholique à un prêtre le père Fleury qui fut interné avec de nombreux Roms dans le camp de Poitiers. Il fut à l’origine, avec les pères d’Armagnac et Barthélémy (Yoshka), du premier pèlerinage gitan à Lourdes. Pèlerinage qui deviendra au fil des années, un mouvement populaire incontournable qui marquera son empreinte dans la ville mariale et ses alentours. Logée tout au début chez les sœurs Auxiliatrices, de la rue de Bagnères, la vingtaine de responsables gadjé peaufinera au fil des ans, la pastorale nécessaire à un bon déroulement de l’évènement. Et ce, de l’emblème aux seize rayons, aux odes à Marie, en passant par les symboles de la Sainte famille en fuite en Egypte, les célébrations de mariages, de baptêmes, des premières communions, la nomination de diacres, la fête se terminait avec l’apothéose de la procession aux flambeaux et la translation de la statue de Marie. Toute la catéchèse a été réalisée, pensée autour du personnage central de Bernadette, exclue parmi les exclus, pauvre parmi les pauvres. Certains pèlerins profitent de leur séjour pour aller rendre visite à leurs parents devenus sédentaires, dont la célèbre famille de musiciens, les Doerr. Le tout fut complété par l’édification d’un local, Le Chemin du Niglo (hérisson), et la nomination d’un aumônier, le père José Maria de Antonio, rachaï chargé des célébrations de la pastorale propre aux peuples nomades.
Le bienheureux El Pelé, édition chemin du Niglo Sanctuaires de Lourdes
Probablement que cela ne suffisait pas pour pérenniser ces manifestations de la Foi. Lourdes n’étant qu’une étape parmi d’autres, comme Bonnieux, Lisieux, Paray-le-Monial, de ce peuple voyageur. Aussi, fut élevé en 1997, au rang de Bienheureux, l’Aragonais de Fraga, el Pelé (Ceferino Gimenez Malla), mort en martyre pendant la guerre civile espagnole. Hasard de l’histoire, c’est un voisin, Jose Maria Escriva de Balaguer, originaire comme el Pelé de la région de Barbastro, qui fonda la prélature de l’Opus Dei et que tous les deux furent l’objet d’une cérémonie importante en août 2003, dans la basilique Saint-Pie X durant laquelle fut suspendu leur portrait au milieu de la galerie de saints.
Photo de 1957. Un grand père et sa petite fille à Lourdes. Photo Viron, Durand ou Lacaze ?
Les gens du voyage et leur pèlerinage lourdais.
Chaque année fin août la ville reçoit durant 5-6 jours le pèlerinage le plus redouté de l’année. 5000 personnes avec près de 1000 caravanes (chiffre qui baisse d’année en année) se présentent aux portes de la ville. Cela demande un travail logistique important où police, municipalité et sanctuaires sont sur le qui-vive. De nombreux rochers sont posés aux endroits stratégiques afin d’orienter la circulation et faciliter les barrages de contrôle. Les autorités essayent d’organiser à l’avance les camps, en nommant avec l’accord des familles des responsables afin d’avoir des interlocuteurs crédibles.
Ces camps se trouvent généralement vers le Gave (camp de l’Arrouza) ou vers la route de Saint-Pé, près du bois de Subercarrère (camp Abadie) et la route de Pau. Le terrain Milhas (ancien camp militaire) n’est plus accessible. Les familles sont groupées par région : Belges, Hollandais, Portugais, Polonais, Allemands, Alsaciens, Pyrénéens... Sans compter les Évangélistes du mouvement des Lumières, qui parfois viennent s’immiscer et qui sont considérés comme perturbateurs, par certains catholiques.
Chaque année, à la fin du pèlerinage, lors de la dernière messe, a lieu la "translation" de la vierge des gens du voyage (GDV). En 2018 elle est passée de la paroisse de Clermont Ferrant à celle de Tours.
Photos J. Omnès
L’aumônerie nationale dont le siège est à Pantin (Seine-Saint-Denis) y envoie ses représentants avec le père Claude Dumas. Sa caravane se trouve généralement au camp Abadie, au milieu des autres caravanes. Le soir, des forums rencontres sont organisés à la cité Secours et sont proposées à travers la ville des expositions.
Perturbations
Toutes ces préparations, l’aménagement des terrains de moins en moins nombreux, n’empêche pas chaque année, des débordements, des actes de saccage gratuits, des bagarres et des rixes entre familles qui entraînent une relative discrimination à leur encontre. Depuis 1980, durant ce pèlerinage, les magasins et certains bars ont pris l’habitude de fermer vers 19 heures. Les Lourdais sont assez circonspects sur cet évènement bien particulier que les Sanctuaires refusent de déplacer dans le temps. Leur recteur, le père Bordes, fidèle à son image de fonceur, aurait répondu jadis, au maire de l’époque, P. Douste-Blazy : « S’il y a des délinquants, qu’on les arrête. Mais cessons de créer des phobies. Quand il y a 25 000 pioupious dans les rues, pendant le PMI, il y a aussi pas mal de viande saoule. » Aussi le père Dumas n’hésite pas à rappeler le plus souvent possible aux Gens du voyage «d’être des médiateurs de la paix ».
Une vraie tour de Babel
Si les Lourdais sont peu présents aux différentes cérémonies religieuses : messes, confirmations, mariages…, ils peuvent cependant voir la diversité des participants lors des défilés en musique dans les rues de la ville, et de la translation de la statue de Marie. Nous y côtoyons avec leur responsable de groupe, des Roms, Yéniches, Sinti, Manouches espagnols, de l’Est, de la Région parisienne, du Midi, Gitans andalous et catalans, Gypsies irlandais…
Si ces rencontres sont l’occasion de retrouvailles, de nouvelles alliances, certains vont rendre visite à leurs « cousins » sédentaires, d’autres profitent de leur séjour pour se faire graver des bracelets au nom des nouveaux baptisés, et d’autres enfin se répandent sur la place du marché pour vendre leurs produits. Ce qui donne ces jours-là, une certaine animation à la ville haute.
Pont entre les chrétiens et musulmans
Une thèse répandue dans certains milieux œcuménistes et celle qui donne au monde gitan, un certain rôle de lien, de pont, entre la chrétienté et l’islam. Pour certains théologiens, le peuple gitan avec ses 13 millions d’individus répartis entre l’Europe et le Moyen Orient, après sa migration de l’Inde vers l’ouest, couvre les deux plus grandes religions du Livre : les gitans sunnites qui appartiennent au groupe Lovari. Ils se concentrent en Bulgarie et dans les Balkans ; et les chrétiens arrivés en Europe de l’Ouest au XIVe siècle. Ils se répartissent en catholiques, orthodoxes, et pentecôtistes. Ils ont en commun le sens de la transcendance immanente. Le divin est présent en tous les lieux. Mais ce rôle pour l’instant ne peut être qu’un vœu pieux, tant les dissensions entre les deux principales branches de l’islam occupent ces temps-ci, le devant de la scène.
Deux familles endémiques
Deux groupes se détachent des Roms qui viennent régulièrement à Lourdes :
les Gypsies et les Yéniches
Les Gypsies
Les Gypsies irlandais qui viennent, entre autres, avec les gens du voyage en août, font souvent « chambre à part ». Is sont reconnaissables à leur carrure de rugbymen, leur peau blanche et leur chevelure blonde ou rousse. La poupée Barbie semble pour les jeunes filles, le parangon de la mode vestimentaire : cheveu long et lisse, vêtements courts, moulants, aux couleurs fluorescentes où le rose et le vert prédominent, talons hauts, très hauts. Pour les hommes, petite boucle d’oreille indispensable, avec une coupe rase. Les grosses chaînes en or massif autour du cou, rivalisent avec les bijoux ostentatoires des femmes. Les plus riches descendaient (descendent ?) dans les meilleurs hôtels de la ville dont l’ancien hôtel de la Grotte (Belfry) laissant aux parkings leurs énormes 4X4 Range Rover à plus de 70 000 € l’unité. Leur langue d’origine inconnue est le shelta.
C’est qu’ils viennent de loin, ces commerçants de marchés, ces « nouveaux riches » appelés parfois Tinkers (ferblantiers étameurs) Anciens propriétaires chassés par les Anglais de Cromwell et la famine, ils ont fait de la route leur unique refuge. Ce qui les a amenés très tôt à s’intéresser aux chevaux et aux chiens (lévriers). Ceux-ci ont fait leur fortune.
Les Yéniches
Il en est de même avec les Yéniches allemands dont l’origine semble être endémique (Celtes ?). Grands, cheveux clairs, yeux bleus ou verts, ils se distinguent des Roms qui les appellent parfois les Blancs par référence à la couleur de leur peau. De langue yéniche, ils se sont spécialisés dans les métiers de rémouleurs, de vannier de ferrailleur et de récupérateur de métaux. Ils ne se sentent pas très concernés par le pèlerinage officiel des Gitans du mois d’août. Ils viennent généralement à Paques dans des voitures rutilantes de haut luxe (‘Mercedes 5 litres) habillés comme de rinces, les hommes cheveux gominés sont en costumes trois pièces avec manteaux et souliers vernissés ; les femmes en fourrure (de moins en moins) alors que les enfants sont déguisés en premier communiants. Naturellement ils ne descendent que dans les hôtels quatre étoiles. Leur position sociale les rend étrangers au pèlerinage gitan. Certaine thèses font descendre les Yéniches de groupe de commerçants itinérants juifs du fait des hébraïsmes dans leur langue et leurs nom de famille. Ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autres comme déserteurs de la guerre de Trente ans. Le chanteur Suisse Stéphane Eicher a pour père un Yéniche.
Lire :
- Un vrai Kalo édition chemin du Niglo Sanctuaires de Lourdes
- La mémoire et l’oubli -1940-1946 d'Emmanuel Filhol, édition l’Harmattan, 2004
Les étameurs-rétameurs
Dans les temps anciens nombreux étaient les métiers exercés par des artisans ambulants qui en Bigorre, pays agricole par excellence parcouraient de village en village à la recherche de travail. Parmi ceux-ci, nous avions les matelassiers, les hongreurs ou châtreurs et les étameurs
Les étameurs-rétameurs ou estimaïres
« L'étameur est la personne qui étame (met de l'étain), a contrario du rétameur qui, lui, remet en état les ustensiles métalliques qui sont endommagés avant de les étamer à nouveau. L'étamage du cuivre s'effectue au moyen d'étain en fusion qui est déposé à la main avec une étoupe pour les ustensiles de cuisine en cuivre. Pour les ustensiles en fer la technique du "blanc" consiste à plonger l'ustensile dans un bain d'étain fondu ». Définition Wikipédia.
La technique de l'étamage était déjà employée par les Égyptiens.
L’étain s’usant vite, on devait recourir de temps à autre à l’étamage. Pour que l’opération réussisse bien, l’objet à étamer devait être à la fois très propre et chaud.
Ils venaient souvent du Cantal ou du Comminges, avec leur cheval tirant une roulotte, puis après 1900 avec leur camion 2-3 tonnes, afin d’avoir un gite le soir et transporter un grand nombre d’outils et de tôles pour les fonds de seaux et de lessiveuses. Certains possédaient à l’arrière de leur logis, un petit établi avec étau et perçoir pour réparer les fusils.
Ils étaient soumis au régime des professions ambulantes inscrits au registre analytique des métiers leur donnant droit à un récépissé de déclaration des professions ambulantes délivré par le greffe du tribunal de commerce de la sous-préfecture dont dépendait l’administré.
Si le Cantal était le grand fournisseur d’étameurs, il y avait également le Béarn (Oloron) à et le Pays Basque (Saint-Jean-Pied-de-Port). De ces deux sites, les étameurs étaient également chaudronniers. Ils louaient des chaudrons dans les campagnes en échange de grains
La ville de Lourdes vu l’importance du nombre d’hôtels était souvent fréquentée par des étameurs-rétameurs comme Etienne Floret de Saint-Amandin. Il venait dans la cité mariale avec son camion cargoV8 servant d’atelier et de logement, assisté de deux compagnons.
Texte inspiré d’un courriel reçu en février 2022, de Robert Vollet, rétameur à la retraite
La vie de l’estimaïre de 1920 à 1962, texte de Robert Vollet chanteur Eric Coudon
https://www.youtube.com/watch?v=kO3bn9p5yjI
Le dernier étameur du Lot-et-Garonne, Bruno de Paoli le dernier étameur du Lot et Garonne en 2015, article de sud-Ouest : son activité était surtout tournée vers les restaurants, « mais depuis quelques années certains restaurateurs optent pour l’inox
Les hongreurs (en préparation)
Les contrebandiers
Aussi mal vus que les gitans par les autorités, ils ont fait durant des siècles, partie du patrimoine local. La frontère étant pour eux une pure vue de l'esprit.
Voie royale de la contrebande Gavarnie-Torla
On peut aborder l'omportance de la contrebande entre la Bigorre et l'Aragon à partir des importations bigourdanes avec les listes de douane.
Il s’agissait surtout de produits de base comme l'huile, le sel, le vin, les denrées coloniales …
En premier lieu, venaient la laine (anino) de qualité supérieure à celle des vallées des Hautes-Pyrénées, puis l’huile d’olive et le sel de Sallent jugé plus prophylactique pour le bétail que celui de Salies. En produits manufacturés il y avait les peignes de métal et d’os et les bas. Les listes dévoilent l’absence de vin pourtant fort prisé à Gavarnie et la rareté de l’huile d’olive, de tabac ainsi que d’objets de luxe, dentelles, armes, métal précieux. On peut penser qu’ils faisaient l’objet de contrebande. Ces importations se sont multipliées sous l’Empire, lors du blocus continental.
Les taxes
Celles-ci s’élevaient en moyenne à 10 %sur toutes les marchandises sauf pour le bétail où les droits étaient ramenés à 5 %
Le commerce illicite
On peut facilement constater que certains produits non-inscrits dans les registres et pourtant abondants de l’autre côté de la « frontière » passaient au nez et à la barbe des douaniers. Surtout quand la frontière était déclarée fermée pour des raisons diverses : sanitaires, guerres, blocus (2). Des deux côtés de la montagne la « contrebande n’a pas de caractère délictueux et a au contraire un aspect légitime et héroïque dans la mesure où il constitue une contribution à la lutte contre l’arbitraire et la tyrannie de l’Etat. » (3).
On peut diviser ce marché illicite en deux parties : la contrebande de survie ou artisanale concernant tous les produits de première nécessité, réalisée souvent par des familles frontalières et la contrebande à grande échelle nécessitant nombre de passeurs pour des marchandises conséquentes tissus, bétails, grains.. En mars 1811, le maire de Sireix avait vu le village traversé par une quarantaine d’homme ! (4)
Les douaniers
Il se trouvait que le nombre de passages de la frontière par des fraudeurs étaient trop nombreux pour être tous surveillés. Du côté français beaucoup de personnels des douanes venaient de familles locales qui vivaient en osmose avec les auteurs de contrebande. Ceux qui étaient assignés dans des foyers de locaux étaient mal acceptés. Et sous l’Empire, ils dépendaient de la sous-préfecture lointaine d’Argelès. Par ailleurs, difficile pour certains, d’aller vérifier dans des restaurants et estaminets amis d’où provenaient certaines denrées : sel, huile et vin. Vin pourtant servi aux tables des visiteurs de marque à Gavarnie comme J.-F. Boudon de Saint-Amans. Les surveillances nécessitaient de dormir la nuit dans des endroits pas très accueillants sur des lits de camp pliants dits d’embuscade Leur nom technique étant « bagnol » C’est un lit en trois parties pliables, à cadre de bois sur pied avec des sangles pour soutenir le corps du douanier. Ce dernier utilisait un sac de couchage en peau retourné d’agneau ou de mouton tel que celui utilisé par le comte Russel dans ses grottes du Vignemale. Un « bagnol » complet a été vendu en juin 2012, par Maître Adam de Tarbes. Il venait probablement du Val d’Azun.
Lire Le mobilier domestique tome 1. Vocabulaire typologique. Editions du Patrimoine
Contrebandier terrassé Vie de la douane, No134, 1967
Le lit d'embuscade
Lit d'embuscade
Photo du 5 04 2007, vendu en 2012 par Maître Adam de Tarbes. Photos J-M Prat
H. Russel par Meys dans son sac de couchage en peau retournée
Les contrebandiers
Ils étaient si nombreux et repérables que nombre de visiteurs de l’époque romantique n’ont pas résisté à croquer, soit par l’écrit comme J. Dusaulx (6) ou Raymond de Carbonnières (7) soit par la lithographie, comme G. Doré ou A. Dartiguenave. Enfants du pays, ils connaissaient les chemins de traverse comme celui de la brèche de Roland ou au-dessus de l’hospice de Boucharo. Ils utilisaient tout moyen de camouflage comme des habits blancs l’hiver pour se fondre dans la neige, certains apprenaient à leur mule de traverser seules de nuit, les territoires surveillés. En dehors des contrebandiers professionnels, nombre d’habitants pauvres des vallées de Barège(s) et du Val d’Azun se sont vus obligés sous l’Empire, qui avait rejeté tout commerce frontalier, de risquer leur vie pour chercher de l’autre côté des monts de quoi survivre.
Un contrebandier par Pingret Contrebandier au port de Gavarnie par Gavarni
Contrebandiers aragonais par Leleu , 1846
Contrebandiers aragonais par Dartiguenave, 1850
(2) Sous l’Empire et son blocus, la cassonade d’Espagne était très prisée
(3) Patrick Ferrant : Quelques notes sur la contrebande. L’a ffaire est décrite dans le bulletin de la SESV de 2011 par René Escafre, pp 59-64. Elle en dit long sur l’omerta des autorités locales
(4) Un souper à Héas en 1778, 1961, p.155
(5) Voyages à Barèges et dans les Hautes-Pyrénées, p. 179.
(6) Observations faites dans les Pyrénées, Paris, 1789, pp 80-81
(7) Carnets pyrénéens, Lourdes, 1931, t 2, p.114 et t 1 p. 128
Pour un point de vue d’ensemble, lire sur Google : Formation progressive d’une frontière barrière douanière et contrebande 1761-1868 par J.-M. Minovez, Open édition book.