Deux groupes humains, bien que minoritaires et composés d’exclus ont fortement marqué la région durant des siècles. Ce sont les cadets et les Crestias ou Cagots.
Les cadets de Bigorre
Certains partaient « s’apatrier » aux Amériques, surtout en Argentine ou en Uruguay, d’autres entraient dans les ordres religieux (moins nombreux) ou dans l’armée (d’Artagnan). Ces cadets de grandes familles furent souvent choisis par Louis XIV, puis ses successeurs comme gardes personnels ou comme gouverneurs de places fortes, afin d'éviter de donner une trop grande puissance aux branches aînées des familles nobles. La Fronde était toujours présente dans l'esprit de nos souverains. Ainsi le château de Lourdes fut confié, entre autres, à un cadet des Cardaillac : Bernard de Cardaillac de Lomné, entre 1717 et 1723.
Les plus chanceux épousaient des filles aînées héritières, mais ils devaient alors s’installer dans la famille de l’épousée et prendre le nom de celle-ci. Pour les cadettes, le mariage ou la vie religieuse était les voies les plus fréquentes. C’est en respectant ces traditions que les grandes famines purent en partie être évitées. Aussi recevoir la terre de ses ancêtres était plus qu’une faveur, c’était un devoir. Lou cap de case devait assistance à toute la maisonnée ; même aux cadets qui restaient sur place comme domestiques sans solde. Malheur à celui qui refusait le droit ancestral : il était banni de la famille et parfois de la communauté. Les lois républicaines n'ont pu venir à bout de la tradition que très tardivement. Les arrangements se faisaient avec les notaires et étaient acceptés par tous. Lire le très beau roman Les Corneilles blanches de Robert Arnaut dont l'action se passe dans le Val d'Azun, région limitrophe de la vallée d'Ossau. C'est le changement du mode de vie récent qui a mis fin au culte de la case. Mais la tradition perdure pour le nom de la maison et de ses dépendances qui gardent le nom de l'ainé(e) à l'origine du foyer.
Pour connaitre la situation unique en France, des femmes des Pyrénées, lire l'ouvrage d'I. Gratacos
Les porteurs
Au bas de la hiérarchie sociale, les porteurs souvent des cadets de famille, de tout temps ont évolués à travers les Pyrénées, des deux côtés de la frontière pour transporter à bon port, marchandises, glace, ou personnalités à dos d'homme ou dans des chaises prévues à cet effet. Voir aussi le début du dossier les cadets.
Colporteurs de glace, à droite à Gavarnie. Cartes postales anciennes
Porteurs de glace à Gavarnie
LES CHAISES A PORTEURS EN HAUTE-BIGORRE AU XIXe SIECLE
Les porteurs de chaises, les plus robustes des cadets, conduisaient également les curistes aux établissements thermaux et parfois dans des excursions. Ils étaient protégés par un régime mutualiste en cas de maladie ou d'absence de travail. Leur règlement imposait quatre porteurs pour certains circuits, afin qu’ils puissent se reposer alternativement. Les tarifs fixes étaient relativement bas, ils étaient du même niveau que celui d’une promenade cheval, sauf comme dit l’auteur Oscar Commettant que « le cheval est un les porteurs deux », parfois quatre. On comptait alors sur les pourboires généreux, ce qui n’était pas souvent le cas et ne permettait pas à certains de pouvoir s’acheter des chaussures. Le comte Orloff, pyrénéiste de renom, avait remarqué que ses porteurs étaient rarement chaussés : « pieds nus, ils marchent sur les aspérités du chemin, sautent d’un rocher à l’autre. » Certains ont les pieds recouverts « d’une peau velue, d’un morceau de drap ou de toile, de ces souliers espagnols que l’on appelle espadrilles. » (1).
Quant aux chaises à porteurs locales, elles étaient souvent assez frustes : « un fauteuil de paille posé sur deux brancards et recouvert d’une toile cirée soutenue par deux cerceaux afin de protéger du soleil ou de la pluie ; une planchette suspendue au siège sert de repose pieds » Henri Nicolle. Ce qui obligeait les gens de la haute société de venir avec leur propre chaise comme l’impératrice Eugénie à Saint-Sauveur (1). Voir aussi le dossier patrimoine thermal Saint-Sauveur.
Au XIXe siècle, avec l'amélioration des routes, ces porteurs devinrent assistants de guides de montagne, alors en pleine expansion.
(1) Les Pyrénées au temps de Victor Hugo. d’Anne Lasserre-Vergne. Edition Cairn, 2012.
Chaise à porteurs, mairie de Luz, Photo J. Omnès
Porteurs de Cauterets, gare de bois typique à l'arrière. Carte postale ancienne. À droite, l'impératrice Eugénie se rendant aux eaux à Saint-Sauveur. La chaise a été offerte à Sa Majesté par l'établissement thermal de Vichy. Belle promotion pour cette ville d'eau, la gravure ayant fait la une du Monde illustré (1859).
Chaise à porteurs, musée de Bagnères-de-Bigorre
Guides et portefaix du comte de Saint-Amans. Photo du comte. Il semblerait que le troisième personnage à partir de la gauche soit pieds nus. Le second n'est autre que le célèbre François Bernat-Salles. Voir le dossier les Pyrénéistes.
Porteurs.. Musée pyrénéen
Les porteurs furent aussi très demandés pour la réalisation des installations au sommet du pic du Midi de Bigorre.
Les porteurs du pic du Midi. carte postale Alix
Au pic du Midi Portefaix pour le pic du Midi. Musée Salies. Photo J. Omnès
Les militaires
D’Artagnan, fils cadet de Françoise de Montesquiou. Le château familial de son père né de Batz à Lupiac (Gers) possédait, de par son mariage avec Françoise, des propriétés à Artagnan en Bigorre.
À droite, Bernard de Cardaillac de Lomné fils de Paul, gouverneur du Château fort de Lourdes (1717-1723). Coll. Musée pyrénéen.
Les mousquetaires
En l’absence d’école d’officiers, Louis XIII eut l’idée en 1622, de créer la Compagnie des mousquetaires (porteur de mousquet) qui devait accueillir de jeunes nobles sans espoir d’héritage, souvent cadets de famille, pour leur offrir une formation guerrière et une initiation à la discipline militaire. Ils apprenaient naturellement l’escrime et le maniement des armes, mais aussi les mathématiques, les lettres et la danse. Recevant la célèbre casaque bleue ornée de la croix d’argent fleurdelisée, ils étaient sous les ordres d’un capitaine-lieutenant dépendant directement du roi. Ce capitaine-lieutenant, tel Tréville, bien connu en Béarn, recrutait au sein de son apparenté ou de familles amies. Ces cadets étaient choisis très jeunes (15-16 ans)
À l’issu de leurs études, ils pouvaient prétendre à un commandement dans l’armée royale. Mais, comme ils étaient souvent astreints aux pires dangers, les hécatombes étaient fort nombreuses. Aussi, pour préserver cette pépinière d’officiers, souvent aux premiers rangs, lors des sièges, ils furent remplacés par les grenadiers. Et ce, dès 1676, quatre ans après la mort de d’Artagnan, au siège de Maastricht.
Ils devaient résider à Paris, chez l’habitant du faubourg Saint-Germain, proche du lieu de travail, le Louvre. Cette obligation de loger ces gascons et autres cadets était considérée pour les propriétaires, comme un impôt. Puis en 1659, Louis XIV érigea rue du Bac, un hôtel pour les loger. C’était la première caserne d’homme d’armes. Lors de la création d’une seconde Compagnie en 1701, elle fut logée dans un nouvel édifice, derrière la Bastille, rue de Charenton.
L’un des derniers mousquetaires célèbre est T. Géricault. L’artiste s’était engagé en 1814, dans le Première Compagnie, brièvement recréée par Louis XVIII.
Porteur de mousquet Mousquets d'apparats coll. Louis XIII. Photos J. Omnès
Tenue de mousquetaire du roi, exposition aux Invalides avril-septembre 2014. Mousquetaires au travail. Photos J. Omnès
Les crestia(a)s ou cagots
Dans le grand Sud-Ouest, on retiendra surtout le nom de crestia(a)s ou crestians (1), gaffets ou cappots et en Pays Basque et Navarre celui de agiots ou agot(e)s.
(1) Jusqu'au XIVe siècle, on ne rencontrera ce nom que sous sa forme latine : christianus
L'aire des cagots
Il est communément admis que les premières traces écrites des exclus crestia(a)s- cagots nous viennent du Béarn, vers l'an mille (1) et c'est encore au Béarn que l'appellation crestia (a) est remplacée par celle de cagot (1551). Mais d'après les nombreuses toponymies et recherches, l'aire s'est élargie ; on peut considérer que si l'épicentre se trouve en Béarn, du fait également de l'importance des écrits de Pierre de Marca (1594-1562), la zone globale se situe entre Ebre et Garonne. De la Navarre aux Landes.
(1) Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Lucq-de-Béarn : acte de donation pour un mariage entre Bénédicte (Benedicta) et un certain christianus appelé Auriol Donat. Cet acte, par manque de recoupement, doit être analysé avec toute réserve.
Zone d'implantation des cagots, la zone sombre : Navarre et Gascogne
Leur origine pour beaucoup d'auteurs est incertaine. D’aucuns pensent qu’ils étaient descendants de lépreux.
D’autres, des derniers Wisigoths, battus à Vouillé en 507 par Clovis, d’où leur nom « cans de Goths, câas Goths ou chaas Goths » selon la région, et qui veut dire en béarnais, « chiens de Goths ».
D’autres encore évoquent les descendants de Maures battus à Poitiers par Charles Martel, en 732, de juifs, de bohémiens ou d’hérétiques albigeois. Il est également évoqué la Reconquista contre les Maures d'Espagne, à partir du royaume d'Aragon à laquelle participaient nombre de Basques, Béarnais et de Bigourdans. Brassage de peuples qui aurait véhiculé, autour des onzième et douzième siècles, cette maladie qui aurait été introduite en Espagne, par les Sarrasins venus d'Orient.
LES PISTES ETHNIQUES
La piste wisigothe
Ramond de Carbonières qui les a étudié pencherait pour une origine wisigothe:" je ne trouve aucune raison de m'écarter de ce sentiment" écrira- t-il [...] "les Wisigoths, tous ariens ayant été, pour les Gaulois et les Francs orthodoxes, un objet de scandale et d'aversion, dès le temps de Childéric Ier". Au XIXe siècle, nombre de médecins se sont penchés sur cette peuplade et son éventuelle maladie endémique. Théophile Roussel (1816-1903) de la société d'Anthropologie de Paris, lors de son étude dans le Sud-Ouest et en Espagne en 1847, sur la pellagre, ne voyait dans cette population d'exclus que les descendants blonds des Goths arianistes mis au banc de la société par les Francs qui se vengèrent ainsi de leur persécution de catholiques. Il cite même la présentation d'une cagote à Lourdes par le docteur Dozous qui correspondait à ses descriptions : grande, blonde, yeux bleus. Thèse qui faisait fi de la lèpre et qui fut mise à mal par Mrs Lajard et Regnault de la même société. Puis en 1893, par le docteur Zambaco-Pacha de l'Académie de médecine, partisan de l'origine lépreuse.
En fait, le terme de cagots qui serait une contraction béarnaise de caa goths - chiens de Goths, ne s'est présenté dans le langage populaire qu'au XVIe siècle, soit plusieurs siècles après la disparition de la monarchie des Goths. De plus, l'arianisme qui aurait pu leur être reproché par les catholiques ''orthodoxes" vainqueurs ne peut être mis en avant, le roi des Goths, Récarède avait abjuré sa foi au concile de Tolède en 589, suivi par son peuple. Affirmation reprise par Belle-Forest dans sa "Cosmographie universelle" de 1575 : "les Goths demeurez en Gascogne, c'est fort mal parlé, car la plupart des maisons d'Aquitaine et d'Espaigne, voire les plus grandes, sont issues des Goths, lesquels longtemps avant les Sarrasins avoyent receu la religion Catholique pour quitter l'arianisme."
Et on ne peut admettre que ce peuple romanisé, éduqué vaincu par les barbares Francs de Clovis à Vouillé en 507, ait pu accepter un tel asservissement pendant des siècles, alors qu'il lui était facile d'émigrer en Septimanie ou en péninsule ibérique. En fait, cette appellation, qui remplaça celle de crestia(a)s ou crestians a été fortement inspirée par la lutte contre les hérésies. Cette nouvelle appellation est allée de pair avec un plus grand mépris et une plus forte exclusion de ceux que l'on considéraient non plus seulement comme des lépreux ou descendants de lépreux mais aussi et de plus en plus comme des hérétiques, descendants de ceux qui refusaient le dogme de la Trinité (1).
(1) L'arianisme des Wisigoths
La piste sarrasine
Elle a la faveur de Marca (1). Après que Charles Martel en 732, eut défait les armées arabo-berbères d' Abderrahmane aux environ de Poitiers, ses hommes eurent la vie sauve en se convertissant, d'où viendrait le nom de crestia(a)s. On cite également les Sarrasins qui auraient été battus à la Lane Mourine, près de Tarbes. Pour Marca, ces hommes originaires de Syrie, attrapaient facilement la lèpre, ce qui représentait pour les autochtones une punition divine et confortaient à leur égard, la haine des populations locales. Cette théorie fut également celle de Palassou (2). Mais aucun document, pas plus que pièces à conviction ne confortent la présence supposées de troupes sarrasines après leur défaite de Poitiers, dans nos régions. Les vaincus de Poitiers trouvèrent refuge dans le Narbonnais alors occupé par nombre de leur coreligionnaires, et ce au moins jusqu'en 759. Quant aux Sarrasins de la Lanne Mourine (3), ils font plutôt partie de l'imaginaire populaire et de la même légende que celle de Mirat de Lourdes. Les Sarrasins étant l'un des deux piliers des légendes locales avec le couple Charlemagne-Roland.
Dans la même piste sarrasine, mais trois siècles plus tard, leur origine viendrait des guerres de la Reconquête du Nord de l'Espagne sous la direction du duc d'Aquitaine Guy Geffroi qui aurait ramené avec ses barons nombre d'esclaves Arabo-berbères avec la prise de Barbastro en 1063, comme point d'orgue de la rafle "d'esclaves". Thèse défendue par A. Sansot en 1909, dans Revue des Hautes-Pyrénées. Mais il s'agissait surtout de femmes qui furent vendues comme esclaves dans les ports du Sud-Est du pays : Narbonne, Montpellier, Marseille.
Cet auteur ne tient pas compte qu'il était d'usage dans les régions où se mêlaient chrétiens et musulmans, ces derniers, après leur conversion et baptême devenaient des hommes et femmes libres, sur lesquels on comptait pour les relations commerciales. Il n'y avait aucune raison de les enfermer dans des ghettos.
(1) Histoire de Béarn Paris, 1640 Livre 1 chapitre 16, pp 71-75.
(2) Palassou Mémoire pour servir à l'histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacents, édition Vignacour, Pau 1815, pp317-387.
(3) Légende de la Lanne morine, tirée de la biographie de l’instituteur de Lanne (1887)
« En l'année 732, les Maures ou Sarrasins y firent irruption et le détruisirent en grande partie. Mais bientôt après, ils furent eux-mêmes attaqués et vaincus complètement par une armée de paysans, venus des plaines de l'Adour et de l'Echez et commandés par le brave Mesclin, prêtre en résidence à Tarbes et natif d'Arcizac-Adour. Il y eut sur la plaine qui se trouve entre Ossun et Lanne un combat sanglant où les Sarrasins furent défaits. Les cadavres, ajoute la tradition, couvraient une partie de cette plaine qui depuis ce moment n'est désignée que sous le nom de Lanne morine (Lande des morts). Les survivants s'établirent alors tout à fait à la partie orientale des territoires, à une égale distance de Bénac et de Louey dont ils pourraient être rapidement secourus en cas de nouvelles attaques de la part des infidèles, mais ceux-ci ne reparurent plus ». Certains auteurs traduisent par Lande des maures, d’autres par lande marron (fougères l’hiver ?).
La piste hérétique des albigeois
Cette théorie est vite mise en brèche, car, comme le fait remarquer l'historien béarnais Marca, ces derniers n’apparurent en Languedoc que vers l'an 1180 pour être anéantie en 1215, voire 1244, prise de Montségur, alors que les crestiaas-cagots étaient connus dès l'an 1100, dans le cartulaire de l'abbaye de Luc et mentionnés dans le fuero de Navarre des environs de 1074, sous le nom de gafos.
Cette thèse donne pour origine les cathares persécutés après le massacre et la prise de Béziers en 1209 et la prise de Montségur en 1244. Ils se seraient réfugiés loin des terres dépendantes du roi de France en Aquitaine, Bretagne, Castille. En fait, ils se sont surtout réfugiés en Italie. Et surtout, il s'agit d'un mouvement religieux qualifié par l'Eglise romaine, d'hérétique comme l'arianisme des Wisigoths ou le paulicianisme. Il n'a aucun rapport avec les réprouvés cagots, gézitans, agotes ou autres qui étaient catholiques romains et n'ont jamais été pourchassés pour leur foi. Cette paternité fait souvent intervenir un facteur très subjectif celui de la punition de Dieu contre les hérétiques : leur « lèpre intérieure (1) leur est ainsi demourée, et demeure à perpétuité en signe de désobéissance. (2)» Rien de bien historique dans cette approche.
Un lien pour la piste des albigeois-cathares : https://www.youtube.com/watch?v=DjEFybgC6tc
(1) Ils étaient atteints de lèpre blanche.
(2) Cosmographie universelle de Belle-Forrest, 1575.
LES PISTES PHYSIQUES
La piste lépreuse
C'est la piste la plus sérieuse, elle prend en compte le point commun qui réunissait toutes les catégories d'exclus qu'ils soient du Sud-Ouest ou de Bretagne, appelés selon les régions d'un nom différent : cagots dans le Sud-Ouest (avec de nombreuses variantes), gafos ou agotes en Navarre, gahets ou gafets de Guyenne, caqueux en Bretagne. Dans la mesure où ils étaient baptisés ils entraient dans la communauté des chrétiens et l'Eglise ne pouvait leur refuser les sacrements et l'entrée dans les lieux de culte. Si cela avait été des "étrangers" convertis : Sarrasins ou Goths, une fois convertis ils entraient dans la communauté des croyants avec les mêmes prérogatives que les chrétiens de souche, il n'y aurait pas eu de double porte, ni de bénitier séparé. Il s'agissait bien à l'encontre des cagots de défense prophylactique. On peut ajouter que tous ces exclus ne parlaient que la langue du pays où ils se trouvaient, cela ne pouvait être le fait de populations étrangères qui auraient gardé leur langue d'origine.
Les partisans de la lèpre font remarquer en préambule, qu'à l'époque médiévale la lèpre était bien présente dans tout l'Occident et que ce ne sont pas les Croisés, comme cela est souvent avancé qui ont introduit cette pathologie.
Mais la représentation des crestia(a)s-cagots au cours des siècles a sensiblement évolué au sein des populations villageoises, au fil des évènements extérieurs lutte contre les hérésies et pestes avec différentes interprétations de la Bible. La Bible servait de modèle, de fil conducteur dans tous les évènements de la société médiévale. Cette pathologie très présente dans l'Ancien et le Nouveau Testament, était considérée comme une maladie de l'âme, un châtiment divin. Dans le Haut Moyen Âge la communauté des bézis se devait de prendre en charge leur frère en Christ, comme ce dernier avait guéri Lazare. Les malades n'étaient pas enfermés dans des maladreries, mais éloignés des centres humains, villes et villages pour être rassemblés dans des crestiannies, crestianneries ou cagoteries. Des communautés caritatives devaient s'occuper d'eux. Ces hameaux avaient leur fontaine, leur lavoir et souvent leur propre église et parfois un petit établissement hospitalier géré par un ordre religieux.
Puis, petit à petit s'est opéré un glissement sémantique suivi d'exactions à leur encontre. De crestia(a)s, ils devinrent cagots (chiens de Goths) et les rapprochements bibliques se firent vers l'Ancien Testament avec l'histoire du juif Giézi (1). La tradition judaïque de la souillure prit le pas sur celui de la compassion. Et comme l'affirme Benoît Cursente dans les Cagots "cet aspect moral supplanta l'aspect physique". Il situe ce tournant vers 1350 où les malades de la lèpre devenaient minoritaires par rapport à leurs ascendants et où commencèrent les signes annonciateurs de la terrible peste noire (1347). Il fallait des coupables, et c'est tout naturellement que les populations se tournèrent vers les communautés de cagots, en multipliant les exclusions suivies de quolibets de plus en plus virulents.
Il a fallu attendre 1873, pour découvrir scientifiquement que le bacille de la lèpre dit de Hansen n'était pas transmissible héréditairement et plusieurs décennies après, pour que les gens du peuple puissent l'admettre.
L'auteur Osmin Ricau, dans son ouvrage Histoire des Cagots s'offre une thèse assez consensuelle : les cagots auraient pour origine un noyau primitif d'autochtones atteints de la lèpre auxquels viendront s'ajouter, au cours des siècles, et par vagues successives tous les réprouvés, à la recherche d'un refuge que leur offriront les Pyrénées de l'Ouest, leur vallées profondes et leur forêts épaisses.
Et de conclure : « lépreux ou non, ces étrangers nouveaux venus, furent traités avec méfiance et mépris comme les cagots dont ils prirent le nom ». Ce qui expliquerait leur grand nombre dans la région. On peut remarquer que peu d'auteurs font référence aux vagues incessantes de pèlerins de toute l'Europe qui passaient par cette région. On peut compléter le point de vue d'Osmin par le cas de Lourdes, où en 1407, les mercenaires Barégeois, qui venus reconquérir la Ville avec les troupes du comte de Clermont, aux ordres du roi de France, ne retournèrent pas tous dans leur montagne.
Certains s'établirent à proximité du quartier des cagots, sur la rive Ouest du Lapacca, proche du gave. Ils formèrent ainsi une communauté de gens "peu recommandables" pour la population locale, qui se confondit au cours des ans avec les cagots de souche.
(1) Giézi était le serviteur du prophète Elisée qui avait soigné le chef de l’armée du roi de Syrie, Naaman de la lèpre. Ce dernier offrit plusieurs présents à Elisée qui les refusa, mais son serviteur alla les récupérer pour lui-même. Elisée maudit alors son serviteur en ces termes restés célèbres : « La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta postérité pour toujours »
Conclusion
Quelque soit la piste retenue : wisigothe, sarrasine, albigeoise ou lépreuse : marque du péché, on peut constater qu'il s'agissait de mettre hors d'état de nuire tous ceux qui avaient voulu anéantir la chrétienté. On peut résumer la situaton avec V.-R. Rivière Chalan : "La cagoterie : "racisme des puritains d'Aquitaine."
Leur aspect
On ne sait même pas s’ils étaient grands, blonds avec les yeux bleus ou petits, bruns avec les cheveux noirs, tant les textes les concernant diffèrent. La tradition voulait qu'ils soient reconnaissables à leur mauvaise haleine et à l'absence de lobes d'oreilles. Ce qui les faisait surnommer courtes-oreilles ou essorillés. Si on bêlait sur leur passage, bêê, bêe, le cagot...c'était par allusion aux oreilles coupées des moutons. Il est un fait scientifiquement admis qu'ils n'étaient atteint d'aucune infirmité génétique et que ces difformités tenaient plutôt du fait du phantasme : il fallait bien que ces réprouvés punis par Dieu, ne soient pas identiques physiquement aux bons paroissiens (1).
Pour information, voici cependant ce qu'écrivait Mr Dailly, dans le bulletin de la société d'anthropologie de Paris lors de la séance du 7 février 1867, page 111 : Ils ont des yeux bleus et ardents, des cheveux blonds ayant parfois l'aspect de filasse, profil disgracieux, face large, front bombé et accusé vers les angles et fortement saillant sur la racine du nez, nez proéminent et accusant en avant ses deux ailes larges et plates, lèvre supérieure droite et verticale, bouche coupée en ligne droite, absence complète de distinction mais nulle difformité cependant" Cette description est à prendre avec réserve, car il est peu probable que tous les cagots étaient blonds aux yeux bleus, et en 1867, nombre d'entre eux étaient mélangés à la population locale et rien ne les distinguait de celle-ci.
Déjà en 1809, le sous- préfet d’Argelès répondait au ministre de l’Intérieur soucieux du bien-être de ces exclus : Elle [la population cagote] s’est tellement fondue et mélangée par les alliances avec les autres communauté du pays que tous les caractères physiques et moraux , s’il en existe, ont entièrement disparu, et que ces familles ne sont plus distinguées que par l’ancienne tradition locale dont le souvenir s’efface chaque jour. » Rien donc ne distinguait un cagot de la population locale si ce n’est peut-être, la tenue vestimentaire. Celle-ci devait avoir un rapport avec leur métier de référence : charpentier, chaisier, parfois forgeron ou chirurgien (du fait de leur connaissance des plantes). Toutes les descriptions des tares supposées, n’étaient que pures médisances.
E. Cordier, dans un de ses ouvrages, fait le récit d’une histoire légendée qui lui avait été racontée par une vieille personne d’Ayzac : « Un jeune homme aimait une jeune fille qui le payait de retour ; elle était belle, elle avait de la vertu ; il la priait sans cesse de consentir à l’épouser. La jeune fille s’y refusait disant : Ah ! Si vous saviez… Vous ne me feriez plus aucune instance. » Enfin, il la pressa tant qu’un jour elle lui dit : « Voici une pomme, divisons-la en deux. ; prenez-en une moitié et gardez-là sous votre aisselle durant la nuit. Je ferai de même pour l’autre moitié : je vous porterai la mienne demain, et vous me porterez la vôtre. » Le jour suivant, le jeune garçon porta sa demi-pomme qui était parfaitement saine. La jeune fille lui montra tristement la moitié qu’elle avait prise et retenue sous son bras ; elle était entièrement corrompue… La pauvre enfant était cagote ! » Si cette histoire montre bien l’ostracisme dont étaient victimes les cagots, elle est également la preuve que ceux-ci ne se différenciaient pas physiquement de la population locale.
Cagots-agotes de Navarre, source Wiki-Jmenj
Depuis, rien n’a été entrepris au sujet de leur morphologie, alors qu’il existe à Lourdes une terre vierge de toute construction qui a probablement abrité le cimetière cagot de la ville. Il s’agit du terrain qui a servi de jardin face à l’hôtel Saint-Raphaël, ex-emplacement du moulin gras, au temps de Bernadette.
Vu que la chapelle se trouvait à côté, il n’est pas à exclure que ce terrain soit celui de l’ancien cimetière. Je me suis laissé entendre dire, que lors de travaux, on y a trouvé des ossements. Il a été squatté pendant longtemps. Il pourrait devenir, avec une volonté politique, un lieu de recherche anthropologique exceptionnel et complémentaire qui permettrait de peaufiner les recherches sur les cagots.
Seuls, de nos jours, trois villages conservent une population importante d'origine cagote. Deux sont au Pays Basque : Chubitoa-Anhaux (Canton de Saint-Jean-Pied -de- Port), Michelena (Canton de Baïgorry) et Bozate-Arizum, vallée du Batzan de l'autre côté de la frontière. Aucune morphologie particulière n'a été constatée par rapport aux populations environnantes.
(1) A ces accusations dominantes, il y avait également la chaleur anormale de leur corps et de leur pénis, l'écoulement intempestif de liquide séminal... Et quand rien n'apparaissait, c'était pour mieux se camoufler, tromper son monde, car ' leur hypocrisie était sans borne'
Crétins et cagots
En revanche, monsieur Dailly fait bien la distinction entre les cagots et les crétins. Ces derniers étaient de petite taille et souvent goitreux. Ces malformations avaient pour origine, l'eau des sources trop "pure", car elle n'était pas chargée de sels minéraux et manquait d'iode. Les signes apparents sont ralentissement de toutes les fonctions physiques et mentales. Ramond de Carbonnières les décrit "faibles d'esprit, sourds, émettant quelques sons inarticulés et maladroits dans leur mouvement. Leur visage était grossier et vieilli prématurément".
Cependant, beaucoup d'observateurs faisaient la confusion entre les crétins et les cagots, du fait que ces derniers, contraints à l'endogamie, avaient parmi eux des individus qui semblaient avoir subi un arrêt de croissance. Mais ce n'était pas la généralité, et comme le fait remarquer Monsieur Dailly sur les cagots observés, ils n'étaient atteints d'aucune difformité.
Cette distinction a été reprise par le professeur Jacques Battin, membre de l'Académie Nationale de Médecine en août 2008, dans un article pour le périodique Cohorte (No 193) sur Ramond de Carbonnières qui s'était intéressé au sujet. Le professeur avait étudié, entre autres, le cas d'une fratrie d'Esquièze présentée communément comme cagots et qui, en fait, étaient les derniers nains hypothyroïdiens (crétinisme endémique) des Pyrénées.
La fratrie Danne, derniers nains hypothyroïdiens des Pyrénées photographiée en 1952 par le professeur Battin.
Les personnages présentés dans ces anciennes cartes postales ci-jointes sont mentionnés comme cagots.
Le personnage de gauche est présenté dans l'article anglais comme un cagot
Ces personnages sont les derniers crétins de France avec la fratrie Donne Ils sont atteints de goitrisme endémique.
Cagots ou crestia(a)s ?
Il est à noter que le terme cagot est postérieur à celui de crestian (crestia(a)s au pluriel). Il n'apparaît que vers le XVIe siècle, lorsque la théorie des origines goths remplace celle des lépreux. En Lavedan, les appellations étaient variées. Selon les régions, nous trouvons des gésitas, cousiots, canars et crestias ou chrestiens (l'ajout du h varie d'une région à l'autre). Le terme de gésitas, gésites ou gésitains est postérieur à 1517, date d'un célèbre procès suite à une pétition de gagots aux États de Navarre. Cette pétition fut combattue par un certain Caxarmaut qui utilisa un texte de l'Ancien Testament où il est question d'un prince sauvé de la lèpre par le prophète Elisée, mais trahi par son valet Geizi. Ce dernier fut châtié sur place par le prophète qui lui donna la lèpre ôtée peu de temps avant à son maître. Caxarnaut voulait démontrer que la lèpre était incurable et d'origine divine.
Un peuple d'exclus confiné à certains métiers
Les cagots devaient porter des casaques rouges, bien visibles avec une patte d'oie sur l'épaule. Afin de ne pas transmettre la maladie, de nombreux métiers leur étaient interdits. On considérait que le fer ou le bois ne pouvaient pas transmettre la lèpre. Beaucoup de cagots étaient donc forgerons, menuisiers ou charpentiers, et ils ne faisaient pas que des cercueils et des potences comme certains journalistes l'affirment (1). Au retour de leur pèlerinage, un cagot pouvait cependant s’inscrire comme Compagnon de Saint-Jacques à la confrérie des charpentiers de son village. Car le bois pensait-on, ne transmettant pas la lèpre, ils devinrent les grands spécialistes des charpentes. Le texte le plus célèbre les concernant est celui de la commande faite par Gaston Fébus, en 1391, pour la réfection de la charpente de son château de Montaner, lorsqu’il fit appel à un groupe important (85) de charpentiers cagots sous les ordres de Berdolet d'Oloron.
Certains, devenus barbiers, exerçaient le métier de médecin, et les femmes, de sage- femme, car vivant près des forêts, ils avaient une bonne connaissance des plantes médicinales ou simples.
Un cagot célèbre gérait des bains à Cauterets avec l'accord des moines de Saint-Savin, propriétaires.
En revanche, le métier de la terre leur était interdit par peur de la pollution des aliments. Ils élevaient et cultivaient pour eux-mêmes. De même leur était interdit le métier des armes, comme le port d'armes, surtout en Béarn et Navarre au XVIIe siècle.
Les noms et prénoms des crestias-cagots
Ils n’avaient pas le droit d’avoir des noms de famille lors des baptêmes sur les registres paroissiaux. Aussi ils étaient désignés par un prénom souvent celui du saint du jour : Guillem, Bertran, Arnaut… avec souvent ces prénoms en mode diminutif, ce qui pouvait être considéré comme un peu péjoratif comme : Janiet (Petit Jean), Guilhaumet (Petit Guillaume), Peyrolet (Petit Pierre), Bernadou (Petit Bernard), Lucalou (Petit Lucas)… Sur le registre on ajoutait à la suite crestia (a), cagot, gaffet… selon la région. Par la suite ils se donnaient des noms de famille en fonction de leur métier Charpentier, Cordier, Tisserand, Tisné ou des objets de leur métier comme Tislès (paniers) ou de leur lieu de résidence qui souvent étaient des lieux déshérités, malsains ou isolés comme : Caussade (chaussée), Castagnède (châtaigneraie), Junca/Junqua (jonchaie), Tuya (endroit planté de bruyères et d’ajoncs). Caussade (chaussée), Castagnède (châtaigneraie) ou encore Matagrabe (tue boue), peut- être parce que sa cabane était bâtie sur un marécage ?
Mais les non-cagots les affublaient surtout de surnoms rappelant leur classe sociale qu'ils gardaient sur les registres des impôts comme : Caquin, Kakou, Coquin, Coquet, Caque, Caquette, Caqueux, Gahet, Gaffet, Gaffez, Gavot., Agot, Canard, Canar en raison de la patte de canard qu'ils devaient porter. Parfois avec un nom rappelant leur supposée maladie Lépreux, Lazare, Lazaru, Salazar, Leze...
Il existe également des appellations exclusivement cagotes, un peu comme chez les gens du voyage : Berdot, Blazy (Blaise), Estrabou, Doat ou Douau, Feuga, Louncaubi ou Mouncaubi, Menjou, Menjoulet…
Le cagot qui s’établissait dans la cagoterie d’un autre village pouvait mettre comme additif (à l’appellation du baptême) le nom du village d’origine, dont il était issu comme lo crestia de Gerderest, Menyolet crestia de Gerderest, Johan de Feaas, Bernadon deu Bosq, Pascaou de Balente, etc... ; cette pratique était courante, car afin d'éviter toute endogamie, les cagots avaient une forte mobilité géographique.
Les crestiaas-cagots et l'Eglise
Dans les lieux où ils étaient assez nombreux, ils avaient leur propre chapelle comme celle de Saint-Jean à Lourdes ou de la Madeleine à Ost. Ailleurs, ils fréquentaient l'église paroissiale. Mais, tels des parias, ils devaient entrer dans celle-ci par une porte latérale, souvent plus petite (pour les humilier ?), comme celle de l'église d'Arras-en-Lavedan ou de l'abbatiale de Saint-Savin et ne prendre l'eau bénite qu'au bout d'un bâton. C’est aussi au bout d’une planchette que le curé ou le bedeau leur tendait l’hostie, lors de la messe et ils n'approchaient la sainte table qu'après les autres, en étant confinés dans un coin de la nef, clairement indiqué à l'abbatiale de Saint-Pé. Parfois, ils avaient leur propre bénitier, simple pierre creusée incrustée dans un mur de l'église et sans grandes sculptures. Un certain nombre de bénitiers sur pied représentant des Atlantes ou des Maures sont faussement attribués aux cagots comme à Pierrefitte-Nestalas et à Saint-Savin. Dans les processions, ils marchaient en fin de cortège et ne pouvaient faire partie d'une confrérie, sauf semble-t-il de celle des charpentiers. Il était impensable qu'ils puissent s'unir à des non-cagots c'était comme disait au XVIIe siècle, un curé de Navarre(1) :" une chose aussi inouïe et abominable que si un chrétien parlait de s'unir à une Moresque". Ils ne pouvaient recevoir le sacrement de l'Ordre,
Dans les cimetières, ils étaient fossoyeurs et étaient chargés de fabriquer les cercueils. Ils avaient soit leur propre cimetière, comme à Lourdes ou à Terranere (Aucun), soit un carré dans l'enclos paroissial. La seule référence que nous ayons trouvée est le cimetière de Sérée en Béarn au Nord-Ouest de la Bigorre. Il parait qu'il abrite un coin cagot. Difficile de distinguer les tombes cagotes des autres dans la mesure où aucun nom ne leur était attribué. On peut imaginer que ce sont les tombes sans dalles, ni inscription. À Lourdes, leur propre cimetière, se trouverait proche de leur ancienne chapelle, quai Saint-Jean, dans le terrain actuellement abandonné, face à l'hôtel Saint-Raphaël. D'éventuelles fouilles pourront peut-être un jour confirmer cette hypothèse
Plusieurs églises dont celle d’Arras et Nestalas ont conservé les portes des cagots. La plupart des portes des cagots ont été murées. Seules parfois apparaissent leurs traces sur les murs des églises.
Les bénitiers scellés et sobrement décorés parfois d’une tête ou d’un chien sont encore présents dans certaines églises.
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Les autres exclusions
À Cauterets, iIs ne pouvaient se baigner qu'après les autres habitants, et ne pénétrer que par une entrée dérobée donnant accès à des bains réservés aux seuls cagots.
Ils ne pouvaient marcher pieds nus (toujours cette peur de transmission de la maladie), sous peine d'avoir leurs pieds percés d'un coup de lance (fors de Béarn 1460, applicable aussi en Soule). Cette sanction n'a jamais été effective.
Ils ne pouvaient vendre le produit de leur exploitation aux gens du village, utiliser les estives communes, ni porter d'armes (surtout en Béarn et en Navarre au XVIIe siècle) ou entrer dans la cité que dans la journée et par une porte qui leur était réservée : comme à Lourdes par la Capdet pourtet. Pour témoigner en justice, un témoignage de citadin équivalait à quatre à sept témoignages de cagots. Pratiquement obligés de se marier entre eux, la consanguinité entraînait rapidement des tares physiques, renforçant encore plus leur exclusion.
En revanche, exclus de la société, ils n'étaient pas astreints au paiement des impôts (tailles), aux charges de la communauté, ni au service de l'ost (service militaire).
Marie-Pierre Manet-Beauzac de Tarbes a été présentée dans un article anglais comme la dernière descendante des cagots. Cet article est tiré du livre de Tom Knox's The Marks of Cain, édit. Harper Collins. À droite, les restes d'un cimetière cagot existeraient autour de l'église de Bentayou-Sérée en Béarn. A droite, statue de bronze représentant un cagot, au musée des Cagots d'Arreau. Elle a été réalisée par Eric Vala, d'après les indications qui lui furent fournies par des cagots vivant dans la région.
(1) Reportage de Roger Picard et Michel Algret : "Dans les Pyrénées avec les derniers cagots" support et année inconnus.
Évolution
Malgré la position du Pape Léon X en 1515, et de l'Empereur Charles-Quint en leur faveur, ainsi que celle du haut -clergé, la haine envers cette race maudite était toujours aussi grande dans la population rurale de connivence avec le bas-clergé. En 1683, un fait administratif bouleversera la donne, même si les attitudes n'évolueront que très lentement. Louis XIV et Colbert ayant besoin d'argent pour financer les guerres lointaines, l'Intendant de Béarn, M. Dubois du Baillet, devant la demande royale, d'imposer la gabelle au Béarn, à la Bigorre et à la Chalosse jusqu'alors épargnés sous les Albret, proposa que l'on donne la possibilité aux cagots d'acheter leur affranchissement ; l'instauration de la Gabelle pouvant provoquer des émeutes. L'idée fut acceptée et les Lettres Patentes distribuées. Les Cagots pouvaient devenir des citoyens à part entière et les interdits les frappant furent en partie supprimés (ordonnance de l'intendant de Bezons de 1696), avec l'aide de l'évêque de Tarbes, Mgr de Poudenx, et abolis en 1789. Le successeur de Mgr Poudenx, Mgr de la Romagère a ordonné prêtre, le premier cagot en 1768. À la fin du XVIIIe siècle, leur intégration, au sein des communautés villageoises était pratiquement établie, bien que encore rejetée par nombre de non-cagots.
Signification de la patte d’oie
Ce n’est pas par hasard que les autorités obligèrent les cagots, dès le Haut Moyen Âge, à porter sur leurs vêtements, une patte d’oie. Norbert Rosapelly, l’un des rares érudits à s’être penché sur la question, affirme que l’appellation de ce signe distinctif prononcé en gascon pé d’auque (pied d’oie) était proche de celle de la feuille du figuier, pé d’auquérau (pied d’oison). Or le figuier avait une double distinction, apparemment contradictoire : arbre maudit par le Christ (Math. XXI. Versets 18 et 19 et Marc XI. Versets 12 et 21), alors que son suc ayant une valeur curative était préconisé par l’ancienne thérapie contre la lèpre. Cette double connotation : celle d’une part, de malédiction qui pesait sur les cagots, exclus de la communauté, et celle d’autre part, de prophylaxie pour le mal dont ils étaient atteints, avait certainement incité les magistrats d’alors, dans leur recherche de signes distinctifs, à imposer la patte d'oie, aux malheureux atteints de la lèpre blanche ou même pas lépreux. Plusieurs auteurs avancent qu'il s'agissait en fait d'une patte de canard, d'où les appellations caneries de certains quartiers de cagots comme à Argelès.
Le comte Hubert Henri d’Agrain fait remarquer dans son ouvrage, Argelès et ses vallées, édition Lacour que le nom de la reine Pédauque viendrait de ses pieds palmés : la reine aux pieds d'oie.
Procession de cagots lors de la Semaine sainte, avec le porteur de crécelle (cliquette). Carte postale ancienne
Cliquettes de cagots. Photo Hubert Lacrampe
Un petit film You Tube où se mélangent histoire et légendes sans aucun scrupule. cagots et crétins d'Esquize, cagots et Atlantes de bénitier, maladies mystérieuses et lèpre plus toutes les divagations de l'esprit : sang bleu, pas de lobe d'oreille, mains palmeés...Que ne fait-on pas pour avoir de l'audience :
https://www.youtube.com/watch?v=efxsIl-1rFY
Les cagots en Pays des vallées des Gaves
Les régions proches du Béarn, où passaient la plupart des chemins de Compostelle, étaient les plus denses en cagoteries. En Haute-Bigorre, à Lourdes, Vieuzac, Saint-Savin, Aucun, Luz... leur souvenir reste dans le nom de quartiers à l'écart, souvent insalubres.
Les principaux sites des cagots, Lourdes puis l'arrière-pays par ordre alphabétique :
À Lourdes, le quartier des cagots se trouvait près du quai Boissarie, dans une ruelle sombre qui donne dans la rue de la Tour de Brie. Ruelle bordée d'immeubles insalubres et en ruine (ancien squat), on peut dire que peu de choses ont changé depuis le Moyen Âge et ce, malgré la proximité des Sanctuaires. C'est cependant le quartier le plus authentique de la ville. La plaque de la rue des Cagots a été enlevée en 2010 et non remplacée. C'est dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste appelée Senjoan-du-Gaou (Saint-Jean-du-Gave) que les cagots se mariaient et autour de laquelle ils étaient enterrés. Cette chapelle était située le long du quai Saint-Jean, près de la Crèche animée qui a été construite à la place des Bains Saint-Jean (Senjoan).Ceux-ci appartenaient en 1872 à une certaine Marceline qui a expliqué qu'aux environs de cette date, l'église avait été transformée en grange et que son père avait assisté à des messes. Démolie en 1911, les propriétaires offrirent à l'église paroissiale deux tableaux (volés depuis) dont l'un représentait saint Jean, et la statuette de saint Jean qui se trouve dans l'actuelle église paroissiale.
Il restait un bénitier de pierre que le propriétaire de la Crèche animée avait fait sceller dans du ciment. Après la vente et la démolition de la crèche (2017-2018), le bénitier se trouve au centre jacquaire, "A la Croisée des Chemins". Le cimetière est probablement situé à l'arrière gauche du musée, dans le jardin de l'hôtel Saint-Raphaël et sous l'hôtel Marquette.
Jusqu'à la dernière guerre quelques cagots se faisaient soigner à l'hôpital Saint-Frai (N-D des sept douleurs.)
CHAPELLE-CIMETIERE DES CAGOTS, UN LIEU HISTORIQUE DE LOURDES
Il a été porté à notre connaissance que René Brunis décédé en 1999, avait écrit sur un document qui m’a été remis : « Faire un oratoire [à l’emplacement] et y mettre la statue de saint Jean, une plaque avec comme inscription "ici s’élevait la chapelle Saint-Jean, ancienne chapelle des cagots en 1400, fondations retrouvées par René Brunis en décembre 1960 ". Un petit plan accompagne le texte. Par recoupement, et avec l’aide d’un plan daté de 1887, on peut la situer à l’arrière de l’hôtel du Parvis (démoli en 2018), proche du jardin de l’hôtel Saint Raphael, en face du local à la porte de fer jadis peinte d’une vierge. On peut préciser que les chapelles et églises ont une orientation est-ouest c’est-à-dire parallèle au gave ou à la maison de pierre avec niche que la municipalité n 'a pas jugé bon de conserver lors de la démolition de la Crèche et du Parvis. Le cimetière était à côté, à l’emplacement du jardin avec une extension jusqu’à l’entrée de l’hôtel Marquette. Un témoignage important de l’ancienne propriétaire de l’hôtel (1) nous a informés, que, lors de travaux dans la cave en 1987, il avait été trouvé plusieurs tombes en arc de cercle.
Par ailleurs, on peut se demander où est passé la statue de la niche de l'immeuble de pierre, depuis 1960, que René Brunis voulait mettre dans l'oratoire ?
Voir aussi le dossier églises de Lourdes-patrimoine architectural
(1) Anne-Marie Gomez.
Bénitier dit des cagots encastré qui se etrouvait à la crèche animée. Une fois dégagé de sa gangue de ciment. Photos J. Omnès
Lourdes, l'église des cagots se trouvait derrière, à gauche de ce bâtiment en pierre avec la niche.
La chapelle était derrière l'immeuble jaune. Avril 2018
Entrée de l'immeuble Marquette, près de l'escalier lors des travaux, les tombes (sarcophages ? étaient là.
La chapelle se trouvait à droite du tas de pierre et le cimetière encore plus à droite passant sous l'hôtel Marquette. En principe le ruisseau Lapacca les séparait. Photo Jean Omnès, avril 2018
Plan de 1877 sur plan cadastral remis par René Brunis, avec nos remerciements
Avant la construction en pierre du pont Saint Michel, les bains Senjouan avec le lavoir en avant parallèle au gave. Quel est le bâtiment derrière ? Photo-plaque Viron 1877.
Guide de Lourdes Jean Barbet 1892 :
Les Bains de Saint-Jean, derrière se trouvait la chapelle. Carte Loucrup65
Lourdes, quartier des cagots. Photo J. Omnès rue des Cagots. Photo J. Omnès
Il y a deux ans, sur divers forums j'avais attiré l'attention des autorités lourdaises sur la disparition de la plaque de la rue des Cagots, près des Sanctuaires. Elle avait été enlevée par un quidam pour peindre le mur ; du moins c'est l'explication qui m' avait été donnée. Le mur a été repeint, mais la plaque n'est toujours pas là. Ces pauvres cagots, même en 2014, ils sont encore exclus de la société, sans que cela n'émeuve grand monde :
Rue des Cagots à Lourdes, plaque enlevée. Photos J. Omnès
La Haute-Bigorre
À Argelès-Gazost (Ourout),
À Argelès-Gazost (Ourout), le quartier cagots-canarie (canard) devenu, fin XIXe siècle, pour une raison inconnue canerie, se trouve curieusement dans la partie haute de la ville, autour de l'actuelle place Clemenceau. Il était bordé à l’ouest par la commune de Gez, au nord par les serres de Lasbergères, au sud par la Gravette et à l’est par le hameau d’Ourout. C’est sur ce territoire d’environ 14 hectares que vivaient au XVIIIe siècle une douzaine de familles cagotes, contre quatre au siècle précédent. Plusieurs maisons avec terrains, granges, vignes et châtaigneraies appartiennent maintenant à leurs descendants. Le domaine de la Croix rouge transformé en maison de retraite en est le site le plus connu. Il appartenait à la fille Elisabeth, de Pierre Charles Aubert qui avait épousé une cagote locale : Catherine Daléas. Domaine qui fut cédé en 1882, à la Société de l’Orphelinat.
Ils avaient leur propre chapelle appelée Capéréia, vendue à la Révolution, comme bien national. Elle a été achetée le 10 octobre 1795, par l'Argelésien Dominique Dathané, puis par Jacques Courrèges-Trillou et enfin par Jacques Curot et Catherine Candèle en 1798. Il parait qu'elle était encore debout vers 1880-1870 d'après Jean Bourdette (0). Mais nous ignorons son emplacement.
Ces cagots, qui représentaient environ 3% de la population locale, étaient communément appelés Canarie puis Canarie, comme Jean ou Jacques Canarie. Ils sont à l'origine de la réalisation de la charpente de la maison seigneuriale de Vieuzac. Ces Canarie Debat (avant) ou Dessus allaient chercher leurs épouses et également les parrains et marraines des baptisés, dans des villages voisins comme à Mailhóc. C’est probablement pour cela que les Canarie remplacèrent les Maihóc pour la gestion des thermes de Cauterets affermés au XVe siècle, par les moines de Saint-Savin à Jean de Mailhóc, et les Mailhoc et Canarie s’associèrent en 1725, pour la réalisation de la charpente de l’abbatiale de Saint-Savin.
On peut dire qu’au milieu du XVIIIe siècle, la population cagote d’Argelès s’était fondue dans la population locale, pour preuve la sépulture en 1750, d’Alés-Canarie dans la nef de l’église Saint-Saturnin d’Ourout
La plaque de la rue des Cagots a été enlevée en 1960, et remplacée par la rue de Canarie !
Ils enterraient leurs morts au fond du cimetière qui jouxtait l’ancienne église Saint-Saturnin d’Ourout, et ce jusqu’en 1732. À sa fermeture, ce fut au cimetière de Vieuzac. Cimetière devenu le cimetière municipal d’Argelès-Gazost.
JEAN CANERIE ET SUCCESSEURS
Et là nous avons trouvé une rare plaque de cagot au nom de Jean Canerie 1833-1908 PPL (priez pour lui), concession trentenaire.
Il se trouve d’après une étude de Georges Peyruc (1) qu’il y avait à cette époque, deux Jean Canerie à Argelès, l’un venant de Bénac (2), fontainier municipal et l’autre venant de Saint-Martin en val d’Adour, tourneur sur bois.
L’un des deux, probablement le tourneur sur bois, eut un fils du nom de Laurent, qui eut un fils du nom de Paul, Jacques Canerie, tous deux chaisiers. C’est probablement ce Paul, Jacques qui a déposé en février 1928, une demande de concession perpétuelle. Concession qui a été accordée à côté de la tombe de Denise Chenu.
Cette dernière tombe a disparu et celle de Paul est introuvable (3) Tout laisse à penser qu’il s’agit de la tombe à concession trentenaire de son supposé grand- père Jean, dont il aurait prolongé le bail ? A vérifier
Demande de concession de Paul Canerie, février 1928. A côté d ela tombe de Denise Chenu. Photos J. Omnès
(0) Les Annales du Labéda de Jean Bourdette, éditions Lacour 2001, tome IV, page 226.
(1) dans le bulletin de 1997 de la S.E.S.V.,pages 17-25
(2) avec Antoine, chef cantonnier à Pierrefitte.
(3) Il y a pas mal de tombes mentionnées « inconnu »sur le plan du cimetière
Villa Canarie (entendez canerie) et rue de Canarie, longeant le domaine de la Croix Rouge; Photos J. Omnès
Ancien lavoir des cagots. Photos Rare tombe de Cagot Jean Canerie (cimetière du bas) 1833-1908 PPL CON ?TRENT RE = Priez Pour Lui, concession trentenaire dans le Cimetière bas.. Photo J. Omnès
Étonnamment, le hameau des cadets d'Arbéost avait un quartier réservé aux cagots. Son emplacement existe toujours. Il se trouve en contrebas du village.
Ancien quartier cagot des Bourrinquets. Photos J. Omnès
À Arras
Nous n'avons pas connaissance d'un quartier cagot. En revanche, l'église paroissiale devait les recevoir lors des messes, vu la présence d'une porte et d'un bénitier qui leur sont généralement attribués. On peut être étonné que le bénitier ne soit pas proche de leur entrée.
Porte et bénitier dits des cagots
À Arrens bénitier dit des cagots, creusé dans la pierre.
À Aucun à Terranère.
D'après les histoires locales, le cimetière se trouverait dans le champ, près de l'atterrissage des parapentes. Le hameau aurait été à côté. Mais suite à des doutes nous avons enquêté :
Terranère ou Terrenère (Terre noire)
Il est d’usage d’attribuer le terrain d’atterrissage du deltaplane (à droite du carrefour de la route qui va à Bun), aux cagots. Ce site devait comprendre le cimetière et le hameau. Cette affirmation véhiculée par nombre de plaquettes et brochures est, semble-t-il, fantaisiste. Et ce, pour plusieurs raisons : l’endroit est sous le vent sans aucune protection et loin de toute source d’eau et lors d’aménagements de la route, il n’a été trouvé aucun squelette. Mais son implantation à Terranère est semble-t-il exacte, sauf qu’aux époques anciennes Terranère était composé de plusieurs lieux-dits : Las Coumes, Peyrasoubes, Garcie, Berganton et une partie de Bazaillac. Voir carte Cassini XVIIIe siècle et carte d’État-major 1865 revisité en 1900.
Après recherche de carte ancienne et lecture du testament des pestiférés d’Aucun chez Maître Pierre Bergès en 1653-54 (1) il est mentionné une chapelle Saint-Roch non répertoriée dans les registres paroissiaux, mais qui existait bel et bien du fait de plusieurs dons notariés. La chapelle Saint Roch y est décrite comme la chapelle aux arbres de Noé (2). On peut penser que le nom de Noé lui fut attribué, vu l’ancienneté des chênes de son environnement, toujours visibles.
Il s’avère très certainement que cette chapelle était le centre du hameau des cagots, entre deux sources-fontaines au nord et au sud, rendant actuellement le terrain marécageux mais permettant d’avoir des zones propices aux ablutions (3). La chapelle se trouve au nord de la « houssat deous cagots (la fosse au cagots) » (3), bien connue des chasseurs de bécasses. D’après Michel Fabre (Le mystère des cagots) les lieux abritaient huit feux.
Actuellement
De ce hameau et cimetière, il ne reste plus rien, seule la chapelle au milieu de bois propriété de Monsieur Bazillac est toujours visible. Son ampleur et sa direction Est- Ouest indique bien que ce n’était nullement une grange. .Elle sert toujours de chapelle, lors de camp de jeunesse (Le nid Montagnard), d’où son incontestable conservation. Sauf, que depuis peu, sa porte décorée de clous a été volée.
Pour y accéder
Prendre la route d’Aucun à Bun et se diriger vers la colonie des Cimes. Après l’avoir dépassée, prendre à 200m un chemin qui donne accès, en descendant, à 100 m à la chapelle. Présence de chevaux et de barrières électriques. Propriété privée de Monsieur Olivier Baraniak de Pau.
(1) Minutes de Pierre Bergès, notaire à Aucun en 1650, déposées aux A.D.H.P. 3E44/228.
(2) René Escaffre dans son ouvrage sur la Peste (SESV) a transformé l'arbre de Noë en arbre de Noel ? en y voyant un rapport éventuel avec les sapins ? Or les sapins n’ont été introduits dans le monde de Noël que très tardivement de même que les sapinières localement.
(3) Jean-Marie Prat de Bun qui évoque la présence de bassins se demande s’ils servaient aux cagots pour soigner leurs éventuelles plaies de la peau comme aux bains de Cauterets.
(4) Parcelle 483, ex 291 du plan cadastral
Photo J. Omnès
Porte avec semble t'il des pattes d'oie dessinées avec des clous, d'après J.-M. Prat d'Aucun
Une ancienne chanson d’Aucun :
" En terrenère et Mailhòc
Que soun lous grans Cagots
En andurans è Canerie
Qu'éy la gran Cagoutérie."
Il parait qu il existait une polka des Cagots. Il était courant de leur donner comme nom patronymique, celui de leur quartier tel que Jacques Terrenère du quartier éponyme, la femme rajoutera celui de son époux comme Adèle Canarie-Andurans.
Ayros à Couture-Bâg ou Couture -Bâga.
Ayzac, aux quartiers Andurans et Pénéra. Leur chapelle à Andurans était dédiée à sainte Madeleine.
Cette chapelle se trouve dans le quartier Andurans, des cagots d’Ayzac, Andurans. Dédiée à Marie-Madeleine, elle possède un imposant chimboulet (clocheton) et un chrisme fruste. L'entrée est latérale, orientation Nord. Située dans une impasse sur le chemin de Tanturas (derrière la Fondation Boé), à nef unique et à chevet en cul-de-four, elle a été vendue comme bien national en octobre 1796 (18 vendémiaire an IV), à Lucien Guichard d'Argelès (1). Elle était enregistrée au cadastre de 1825, sous le même nom. Nous savons qu’elle a été restaurée en 1903, par l'abbé Mengelatte. En 1930, Raymond Hourcastagnou en fit don à la commune. Vers 1957, elle a été sauvée de l'abandon, grâce à l'intervention du guérisseur François-Ferdinand Boé. Elle a de nouveau été restaurée en 1991, par l'employé communal et des volontaires bénévoles. Chaque année à la Sainte-Agathe, aux environs du 22 juillet, a lieu une messe dominicale.
Si son origine médiévale ne fait aucun doute pour nombre de médiévistes et en l’occurrence Bernard Pousthomis qui a étudié son chrisme, (2) Benoît Cursente dans son ouvrage, les Cagots, page 279 (3), la date du XVIIe siècle et nous pousse à « faire le deuil d’une datation médiévale malgré son air de très grande ancienneté (4) ». Pour Bernard Pousthomis, cet édifice est caractéristique des petites églises rurales à nef unique de tradition romane avec abside semi-circulaire « ainsi que l’utilisation de la laie (5) dans la taille du chrisme. Ces faits « nous conduisent à l’attribuer à l’époque médiévale ». Datation qui nous semble plus proche de la réalité, malgré l’absence pour le moment de toute preuve matérielle.
À l’intérieur : un bénitier simple que l’on pourrait attribuer aux cagots. L’ancienne décoration murale, ciel bleu parsemé d’étoiles dominé par un ange sonnant la trompette, accompagné d’une colombe, a été badigeonnée de blanc en 1991 ; reste la frise composée de feuilles et de fleurs.
(1) Les Annales du Labéda de Jean Bourdete, tome 4 éditions Lacour, 2001, Page 226
(3) Cursente, Edition Cairn, 2018
(4) Influencé par Emmanuel Garland
(5) Effet de rayures produit sur la pierre par cet outil.
La chapelle des cagots d'Ayzac. Photo J. Omnès
Sur cete photo de Loucrup65, on voit mieux l'abside semi-circulaire
Boô Silhen-Asmets
Cagots. Le hameau Cagots : cette appellation est très controversée. Il semblerait qu'il y ait eu une mauvaise transcription administrative et que son vrai nom soit Cagos, comme mentionné sur les plans des Cassini (1750-1797). Alors qu’il est mentionné Cagost sur le plan cadastral de 1826.
Le quartier est composé de quelques maisons rénovées dont les deux plus anciennes, Soulas et Gayoulet datent de 1760. A ma connaissance, il n'y a pas d'écrits annonçant la présence de cagots sur ce lieu, contrairement à ce que pense Benoît Cursente dans son ouvrage les Cagots, édition Cairn, 2018, page 223, se référant à Francisque Michel (1)
(1) Histoire des races maudites de la France et de l’Espagne, 1847 rééedition PRNG, 2016 Deux volumes. Michel Francisque s’est souvent référé à la toponymie des lieux
Photo J. Omnès Plan Cassini
Cauterets
Un cagot célèbre gérait des bains à Cauterets avec l'accord des moines de Saint-Savin, propriétaires. Ils concédèrent en 1472, des bains et cabines à Jehan de Mailhoc, cagot mèdecin de Mailhoc près de Saint-Savin. Ces bains prirent le nom de bains des Cagots, puis de Canarie puis de Bruzaud. Ils se trouvent sous les bains romains décrits par R. Coquerel. aucun panneau ne les indique.
Esquièze
Le village a été à l'origine d'une erreur d'assimilation de personnes de petite taille et atteintes de crétinisme avec les cagots. Il s'agit d'une famille de cinq enfants, les Simondanne, dont trois présentaient des handicaps physiques et deux des trois, un frère (Jacques) et une soeur (Rosette) de fortes carences : surdité, mutisme et faiblesse d'esprit avec une petite taille et un visage vieilli prématurément. Objets de curiosité, ils furent les sujets d'un article de l'hebdomadaire Point de vue, Images du monde de 1962, les présentant comme des cagots, dénomination suivie par Michel Fabre qui les utilisa pour sa théorie sur les cagots, avec son ouvrage Les mystères des Cagots. Il a fallu la venue de Jacques Battin pour mettre fin à cette confusion. Jacques Battin, membre de l'Académie Nationale de Médecine en août 2008, dans un article pour le périodique Cohorte (No 193) sur Ramond de Carbonnières, s'intéressa au sujet. Les Simondanne étant en réalité les derniers nains hypothyroïdiens (crétinisme endémique) des Pyrénées.
Esquièze, maison improprement dite des cagots, malgré le panneau au -dessus de la porte " les Cagots" mis par son nouveau propriétaire. Photos J. Omnès
Les frères Simondanne, Jacques et Grégoire. Photo de Dominique Laffont avec son aimable autorisation Les visages ont été floutés.
Les Angles à Castagnède
Luz à Pescadère. Lieu-dit à l'entrée du village en venant d'Argelès-Gazost, près du gave et du pont éponyme
Le docteur Faye dans ses analyses sur les cagots nous fait part de l’existence dans l’église de Poueyferré, d’un banc dit des cagots. Qu’en est-il réellement ?
Il s’avère que ce banc n’existe pas ou plus d’après le secrétariat de la mairie et une vérification sur place en 2019.
Il est à noter qu’en 1906, dans l’inventaire des lieux de culte en vue de la séparation de l’Etat et des Eglises, il est fait mention page 23, des biens de l’église de Poueyferré, à l’alinéa 4, de cinq bancs pour enfants, alinéa7, d’un banc en fonte et bois appartenant à M Cazaux et alinéa 14, de 30 bancs fixés au sol. Aucune mention n’est faite de ce banc dit des cagots. Nous ignorons les sources du docteur Faye.
Pour la petite histoire locale, il est à noter que suite aux remarques du curé Larcade précisant que tous les meubles de l’église étaient non pas des dons, mais des prêts des paroissiens, que ces derniers avaient tous les droits pour les reprendre. Ce qui a donné lieu à un procès verbal de carence daté aussi du 13 mars 1906, précisant l’absence de biens dépendant de la « mense succursale de Poueyferré ».
Les constructions et rénovations des charpentes et des lambris de l’abbatiale de Saint-Pé et des différentes chapelles apporta un travail considérable aux Cagots, nombreux dans la région. Installés dans la commune, ils possédaient une petite église. Celle-ci était située avec son cimetière à la sortie du village en direction de Bétharram, sur le côté gauche, proche du chemin de fer. Ils furent à l'origine de l’attribution du sobriquet « ahumats », les enfumés (1), propre à leur groupe, qui s'étendit à la population locale. Ce sont les cagots de ce hameau qui eurent maille à partir avec des Lourdais. D'après Michel Francisque, ils massacrèrent quelques Lourdais et seservirent de leur tête comme boules pour jouer aux quilles sur la place de Saint-Pé
(1) Ils fabriquaient du charbon de bois
Saint-Pastous
Saint-Savin
À Saint-Savin, les cagots étaient rassemblés dans le quartier bas du village, le quartier Mailhòc, (Mailhòc ou MaillÒc : maillet de bois). Ils y possédaient leur propre chapelle et un cimetière. La chapelle était consacrée à Sainte Marie-Madeleine. Ils avaient obtenu le droit de construire leur propre chapelle par le concile de Latran de mars 1179. Ils la construisirent eux-mêmes sur un terrain Pou(r)tet et édifièrent leur propre cimetière à proximité. Nous savons que fut inhumé en 1624, Augée de Labourdette, alias Mailhoc Debat (1). D'après Jean Bourdette, cette chapelle qui était encore en service en 1740 (actes notariés) s'écroula après la Révolution en janvier 1794 (2). Une grange fut construite à sa place. Ce serait, d'après les locaux, la grange qui se trouve sur la droite en descendant de Saint-Savin, face au lavoir abandonné et il y a peu recouvert de lierre. Lors de travaux de pose d'égouts, des ossements et des pierres tombales épaisses y furent mises au jour, ceux de l'ancien cimetière. Le quartier était composé de quelques maisons dont l'une a été reproduite en carte postale (Maison Pourtet fils) et a entièrement brûlé en 2016 ; les deux autres ont été croquées au fusain en 1943, par H. Lacrampe. Il s'agit de la maison Pierre Herraiz (pension chez Michèle) et à côté, de la maison Espandes. Elles ont bien changé depuis. Cela donne une idée de l'importance des maisons des cagots qui possédaient aussi un moulin sur le ruisseau de Marsas, le moulin Babalogne, au bout du chemin communal de Darré Mailhòc, il ne reste que quelques ruines à côté d'une maison récente. D'après un habitant du village, sur les hauteurs du ruisseau de Marsas, ce n'était pas un moulin mais un lavoir. Celui-ci aurait- il remplacé le moulin ou était-il à côté ?
La maison Pourtet père se trouvant en contrebas dans la châtaigneraie a été démolie.
D'après le cadastre de 1827, il est mentionné plus loin au Sud- Est un chemin dit d'accès à l'église sans mention de celle-ci. Ce qui laisse un doute sur l’emplacement admis par la majorité des villageois, le long du chemin menant à Saint-Savin et laisse toujours planer le mystère de l’emplacement de la chapelle. D'après J. Bourdette à la date 1794, la chapelle était au bord oriental du chemin de Laou à Sén -Sabi (Saint -Savin).
(1) Benoît Cursente dans son ouvrage Les Cagots, édition Cairn, 2018, évoque un Mailhòc Dabant. Il se peut qu’il y ait une erreur de transcription. Ce hameau était composé de trois familles : les Mailhòc, les Mailhòc Debat (devath en gascon-vath=vallée) qu’on peut traduire par Mailhòc de dessous et les Mailhòc Avant qu’on peut traduire par les Mailhòc de dessus ou en amont.
Cadastre de 1827
Un cagot célèbre, Jean de Mailhòc y exerçait au XVe siècle un métier en principe interdit, celui de maître en chirurgie. Sa réputation était telle que les communautés ecclésiastiques locales lui concédèrent une cabane à bains à Cauterets, près des bains de Caoutarès. Son nom : bains de Canarie. L'ouverture en demi-lune de l'église abbatiale de Saint-Savin, devenue paroissiale après la démolition de l'église Saint-Jean du village, en 1791, est appelée à tort, porte des Cagots. De même que le bénitier qui se trouve à l'église abbatiale. Son nom, des Cagots, viendrait, semble-t-il, dans le fait qu'il aurait été trouvé dans l'église de Mailhòc ; probablement amené après la destruction de l'église paroissiale. De même que le chrisme dans le musée de Saint-Savin pourrait être celui de la chapelle des cagots, transformé en dalle de lavabo-évier, avec ses deux trous : arrivée et évacuation de l'eau À vérifier.
PS : Mailhòc francisé, s'écrit parfois Mailloc ou Mailhoc
Grange présentée comme bâtie sur ou à côté de l'ancienne chapelle cagote avec le lavoir en face. Elle était construite sur un terrain Pou(r) tet. Photos J. Omnès
D'après un habitant du village sur les hauteurs du ruisseau de Marsas, ce lavoir aurait été construit vers 1926 en remplacement de celui qui était au bout du chemin Darré Mailhòc, le long du ruisseau Marsas qui alimentait aussi un moulin.
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Chrisme supposé de la chapelle des cagots, ayant deux trous, arrivée et sortie d'eau ?
Le dos est creusé en son milieu d'une longue rigole de la largeur de la pierre. Nous ignorons l'origine de ces transformations : évier, canalisation ?.
Le hameau avait pour origine trois familles celle de Mailhòc, de Mailhòc- Dessus et de Mailhòc- Debat.
La maison des cagots (Maison Pourtet) qui a appartenu à Madame Bayen-Saunères et son état actuel 2016, après un incendie.
Carte postale ancienne (1906) indiquant : maison des Cagots à Mailhòc. Propriété actuelle M Pourtet, elle a été entièrement détruite en janvier 2010, photo de droite.
Un doute subsiste sur l'emplacement de la chapelle qui ici serait à l'extérieur du hameau au bout du chemin menant à la châtaigneraie Pourtet père.
Mailhòc- Debat Maurice Herraiz en septembre 2018
Mailhòc-Dessus (Pierre Espandes) .En 1943 et en septembre 2018
Emplacement du moulin, maison à côté sur ses ruines. Photos J. Omnès septembre 2018.
Maison anciennement des cagots à Mailhòc, quartier de Saint-Savin. Avec son poulailler et son four à pain. C'est dans cette maison qu'habitait à une certaine époque, la famille Peyrot qui se présente comme descendante de cagots.
Pour en savoir plus : Les Cagots et leurs congénères de L. Louis-Lande. Revue des Deux Mondes tome 25, 1878, sur Wikisource. Les Parias de France et d'Espagne par V. de Rochas paris, 1876.
Un ouvrage très instructif du spécialiste du Moyen Âge gascon, Gilbert Loubès : L'énigme des Cagots. 1998, Éd. Sud-Ouest. Y sont énumérées les douze hypothèses de leur origine. Les lecteurs du Bel Italien de Bernadette Pécassou Camebrac auront compris que la description que la romancière donne de ses cagots, gnomes monstrueux, est purement fantaisiste. C'est un roman.
Les habitants de la région qui portent un sobriquet rappelant le temps des cagots :
Arbéost : era gentilessa, ceux de ma noblesse faisant allusion par dérision aux cagots du village
Aucun : « Cagots »
Bun : « Cagots de Bun »
Esquièze-Sère : « Ets ahumats » enfumés, souvent synonyme de cagots.
Ferrières : « Ets coulès de Herrera », les cagots de Ferrières.
Ossun-ez-Angles : « Ets Cagots »
Pour les goitreux souvent confondus avec les cagots
Beaucens : ets guberous, les goitreux
Lau- Balagnas : ets goudelhats ou guternous
Ci-dessous bénitier supposé être des cagots, d'origine inconnue ayant appartenu à l'abbé Samaran, curé d'Estaing et d'Arras.
Poto André Grimberg
À lire
Les Cagots de Benoît Cursente Cairn, 2018
Les abbés laïques
La charge pouvait être cédée ou mise en fermage. Une même personne pouvait être abbé lay de plusieurs paroisses. Ainsi les seigneurs d'Antin l'étaient de la paroisse Saint-Pierre de Vieuzac et de celle de Préchac.
De nombreux auteurs ont confondu les bénéficiaires de ces charges avec une charge ecclésiastique et leurs propriétaires comme des hommes d’Eglise. La confusion était fréquente, car cette fonction était inexistante en pays d’Oïl. Voir A. Dumas et Aramits (Les quatre mousquetaires).
- À Arras, elle se trouvait à l'Abbadiale dont il reste la tour.
- À Berberust maison Abbadie à côté de l'église
- À Lézignan, ancienne sacristie, elle est devenue l'école d ela communauté des communes
- À Ousté, c'est la maison Laplagne anciennement Badieu. (Information Jean-Louis Laplagne).
- À Villelongue, l'abbaye laïque aurait été près de l'église en partie sur le cimetière sur un terrain ayant appartenu à Pierre Badie dit Cazedebat (Information Marie Mansouy).
(1) Les abbés de Sazos possèdaient aussi l'abbadie de Viscos, non mentionnée sur la liste. Voir La prérendue signeurie de Monblanc Abadia d'Esterre de V.R. Rivière Chalan, page15.
Les historiens ne s’accordent pas tous sur l’origine de ces abbés laïques.
Pour l’historien Marca, l’origine viendrait de Charlemagne : pour obliger les chefs militaires des frontières à rester sur les marges sud de l’Empire, afin de prévenir toute nouvelle invasion des Maures, il leur accorda avec la bénédiction du pape Zacharie, une certaine aliénation des biens ecclésiastiques. Le titre d’abbé leur viendrait par mimétisme du titre des seigneurs possesseurs d’abbayes : Abbi Comite. Bascle de Lagrèze conforta cette opinion.
Il en est autrement de l’explication donnée par un certain bénédictin, RP Yeper, cité par Bascle. D’après cet homme de l’abbaye de Saint-Savin, l’origine serait également due à la guerre contre les Maures, mais avec des conséquences différentes. Les religieux échappés de cloîtres espagnols détruits par les arabo-berbères, ainsi que la noblesse chassée d’Ibérie s’installèrent en Aragon, en Asturies et au-delà des Pyrénées. « À côté de l’homme de guerre, le moine éleva sa chapelle. Ces petites abbayes se multiplièrent d’une manière considérable. » Pour mieux contrôler cette multitude d’établissements, l’Empereur concentra les lieux de culte, en créant ou agrandissant les abbayes importantes telle celle de Saint-Savin et abandonna aux nobles, les petites abbayes et les ermitages plus ou moins désertés en remerciement pour la défense contre toute invasion.
D’autres auteurs comme V.R. Rivière Chalan (1) affirment que ces nobles se sont approprié ces biens sans consentement de l’autorité impériale et que la prescription a légitimé ces vols. Ce qui est sûr, c’est que, lorsque la crainte des invasions des Vikings ou des Maures s’estompa, il y eut nombre de procès entre l’Eglise et les Abbés laïques.
On peut rajouter que de nombreuses églises furent aussi construites sur la terre et aux frais de laïcs, qui, s’en trouvant ainsi, on ne peut plus civilement, propriétaires, percevant la dîme à leur profit, et nommant le clerc desservant.
Abbés par spoliation ou récompense, ils se maintinrent jusqu’à la Révolution française.
(1) La prétendue seigneurie de Monblanc Abadia d'Esterre.
Les signes d’existence
En l'absence de cartulaires, de terriers ou d’actes notariés, on peut distinguer les abbayes laïques par certains indices, comme une maison noble jouxtant une église de campagne ou église parfois éloignée du bourg et flanquée d'une maison importante ou d’une tour qui peut porter le nom de Labadie ou l’Abbadiale comme à Arras- en -Lavedan, on en trouve aussi avec des noms de lieux comme Castet ou Lassalle (place ou maison forte).
Aussi avec les noms comme Abadie, Abbadie et ses dérivés Badie, Labadie, Dabadie, Labadiole et Labat. Ce sont les patronymes les plus répandus en Bigorre. Cela a donné Aphatie en Soule voisine.
Voir aussi le dossier patrimoine architectural les châteaux et maisons nobles
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École de Lézignan. Photos J. Omnès
Devant le nombre de plus en plus important de visiteurs dans les environs de Gavarnie, les paysans, chasseurs et bergers locaux se mirent à leur service. Mais, vu l’afflux grandissant de demandes et afin d’éviter des accidents et des catastrophes préjudiciables à la station, le sous-préfet d’Argelès-Gazost le 15 juin 1841, demanda au maire de Luz d’ « organiser en urgence » (sic) une compagnie de guides à l’instar de celle des porteurs afin de prévenir de « grands malheurs. » Le 8 juin 1844, était née la corporation des guides. Elle était répartie en deux classes. Chaque guide devait posséder une plaque et un « livret » de courses. En 1853, la région du pays toy pouvait aligner 30 guides venant de Barèges, Esquièze-Serre, Luz, Saint-Sauveur, Saligos et Sassis. Puis s’établit plus tard une liste tarifaire. Pour les nouvelles courses s’était tarif libre.
Très rapidement le développement du thermalisme dû à l’amélioration des voies d’accès donna. En 1875, un certain Lequestre enregistrait à Cauterets 60 guides ! Dont 32 guides de 1ère classe et 28 de seconde classe. Le guide de première classe pouvait entraîner ses clients sur les sommets alors que celui de seconde classe devait se contenter des chemins plus ou moins balisés. Le passage d’une classe à l’autre qui était dû à l’origine à une suite logique de remarques des clients sur un cahier spécial fut rapidement pris en charge par le Club Alpin (1), le cahier des appréciations ne devenant qu’un cahier de remarques ou de remerciements. Par la suite fut créé le diplôme professionnel après une formation adéquate. Rapidement les porteurs de chaises dont le métier devenait obsolète vinrent rejoindre les guides. D’abord comme assistants puis comme guides à part entière.
Une caisse mutualiste faisait office de sécurité sociale et venait en aide en période creuse, aux plus démunis qui réalisaient ou entretenaient en contre partie des sentiers. C’est ainsi que fut réalisé le sentier de Falisse (refuge Russel) et celui de Baysselance. Les autres, ceux qui avaient une clientèle aisée continuaient la saison comme aide chasse. Les autres avaient un emploi complémentaire dans le bâtiment.
On devenait souvent guide de père en fils.
Un des guides les plus réputés a été Célestin Passet (1845-1917). Né à Gavarnie, il accompagna Russel et Schrader, Bazillac, Brulle et De Monts. Il fit la première du mur de la Cascade en 1887 et du couloir de Gaube en 1889. Plus proche de nous, nous avons Trescazes (2) également de Gavarnie. Il offrit son piolet et on carnet de route au Musée pyrénéen de Lourdes. Plusieurs guides sont enterrés au cimetière pyrénéen de Gavarnie.
Si l’un des guides les plus réputés, Célestin Passet, accompagna nombre de Pyrénéistes, il en était un à Cauterets, que l’on pourrait appeler le guide de l’aristocratie. C’est Jean Latapie, d’Ourout (1787-1870). Guide-chasseur il amena tout le gotha européen en séjour dans la ville d’eau, sur les hauteurs environnantes. Ce « guide des ducs » accompagna la duchesse d’Angoulême, les ducs de Berry, de Nemours, de Montpensier, la reine Hortense (la mère de Napoléon III), Talleyrand, etc
En 1822, il accompagna l’officier topographe Chausenque, avec des expéditions sur le Vignemale et le Néouvielle.
Il avait la spécialité d’être aussi chasseur, grand chasseur. Il contribua avec ses clients, au dépeuplement partiel de la faune locale (bouquetins, aigles, ours).
(2) De ma famille, par mon oncle Jean Trescazes (Hôtel de l’Océan) à Lourdes.
Evolution
Rapidement, mais sûrement, suite à l’évolution des sports de montagne et aux balisages des sentiers, le métier de guide de montagne devint moins lucratif pour les populations locales. Il n’y avait plus que 18 guides en 1927. Il se transforma lentement en métier de guides-moniteurs sportifs (escalades en haute montagne et ski) et guides culturels. Chaque ville thermale possède de nos jours son bureau de guides.
Chiffres provenant d’une étude de Jacques Longué : Métiers et petits métiers du thermalisme, 1985.
Site des guides culturels : http://www.guides-culturels-pyreneens.com/
Guides à cheval de Cauterets Célestin Passet, guide de Gavarnie
Plaque d'Henri Passet
Compagnie des guides de Gavarnie, maison du PNP Gavarnie. Photo J Omnès
Maison du PNP à Gavarnie. Photo J. Omnès
Quelques photos du fonds A. Dole avec nos remerciements :
Uniforme de guide Maison de PN à Gavarnie
Lire :
Cadets : - Femmes pyrénéennes par Isaure Gratacos, éditions Privat, 2003
- Les corneilles blanches de Robert Aranaut, éditions du Cherche Midi et Atlantica
Cagots : - Les cagots de Benoît Cursente, édition Cairn, 2018
- Histoire des races maudites de la France et de l'Espagne par Francisque Michel, 1847
- Annales du Labeda de Jean Bourdette, édition Lacour, Tome IV, 2001
- Les Pyrénées au temps de Victor Hugo par Anne Lasserre-Vigne, édition Cairn, 2012
- The Marks of Caïn de Tom Knox's, éditions Haper Collins.
- Le mystère des cagots de Michel Favre, éditions du régionalisme, 2014
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